Le piège de Staline

Les bolcheviques rêvaient un monde meilleur .Quand Lénine discutait avec ses amis rassemblés autour d’une table  dans les bars de Montparnasse ou lorsque plus tard, il organisa ses réunions révolutionnaires à  Smolny ,il était sincère et militait vraiment  pour plus de justice et d’égalité .

Boukharine le fougueux ,

et tous ses amis si généreux

 militaient pour un monde meilleur

mais tous ces rêveurs

se sont retrouvés enfermés dans les camps ,

piégés non seulement dans leur conviction

mais en  de réelles prisons

Lorsque  Staline revient de Sibérie ,sa future femme, jeune, jolie ,intelligente ,sensible. éblouie par ce héros  de la révolution, l’épouse malgré leur 22 ans d’écart. Puis, impuissante, elle assiste au dérapage de son idéal .Sa fille Svetlana raconte comment à la fin de ses jours sa mère ,si joviale et si active ,devenue morose et triste se suicida en laissant une lettre ou elle écrit  toute sa déception

Svetlana raconte: « je n’ai jamais vu cette lettre que l’on a sans doute détruite ,mais elle a existé .Ceux qui l’ont vu m’en ont parlé :elle était terrifiante C’était un tissu d’accusations et de reproches .Ce n’était pas seulement une lettre personnelle, mais aussi une lettre politique .En la lisant mon père pouvait penser que maman n’avait été qu’apparemment à ses cotés au cours des années passées et qu’en réalité elle était favorable à l’opposition ….Il n’assista pas au funérailles  » [i]

Entre 1930 et 1950 ,la police de Staline déportera dans les camps 25 millions de personnes  dont 15 millions périront

En 1989 un nouveau chambardement surprenant, inattendu, imprévisible est  provoqué par Gorbatchev, et la perestroika

Et maintenant ,face à l’énorme immeuble Stalinien du ministère des affaires étrangères de Moscou on peut voir depuis 1993 un restaurant typiquement Américain ,et capitaliste un « Mac Donald « situé au coin d’une rue qui depuis peu est réservée pour les  piétons, dans le quartier de l’Arbat. Une vive animation est assurée par des musiciens ,des jongleurs ,des mimes .On peut se faire prendre en photos à coté des grandes caricatures de Staline de Kroutchev et d’ Eltsine. Des boutiques luxueuses offrent divers objets pour touristes

Cependant des vieux ,des ivrognes ,des clochards fouillent tristement  les poubelles

Paradoxe !

Aux abords du quartier de L’Arbat,

prés d’un immeuble géant

symbole de la volonté de puissance

du régime Stalinien,

un  frêle « Mac Donald  » illuminé

et depuis peu, installé

annonce

une société de consommation

qui timidement essaie

d’occuper les lieux

Au terme d’un siècle de délire idéologique

de tristes ivrognes,

dans leur quête  désespérée

pour retrouver la liberté,

et une vie  équilibrée

côtoient

les touristes inconscients

qui surgissent

d’un monde parallèle

Paradoxe !

Au coeur même du système athée

en plein centre du Kremlin

se dressent 

plusieurs cathédrales

avec leur toits dorés en forme de  bulbes

la cathédrale de l’Annonciation,

la cathédrale de l’Assomption,

la cathédrale de l’Archange

qui ont été recemment restaurés 

– 

Paradoxe !

Au coeur même du système

en plein centre du Kremlin

on peut voir

la plus grande cloche du monde ,

brisée…

le plus grand canon,

 inutilisable…

Paradoxe !

Des stations de métro luxueuses ,en marbre

décorées de fresques

ornées de statues de bronze

à la gloire

du travailleur, de la paysanne

ou du peuple prolétaire

 et dans les wagons

un peuple meurtri

aux yeux éteints

la bouteille à la main

Un empire divisé ,une puissance ruinée

des larmes ,du sang ,des camps ,des slogans

et cela  pendant une, deux ,trois générations sacrifiées

Piégés !

eux aussi

ils ont été piégés !

Les popes

 vêtus de soutanes sales

 coiffés  des bonnets crasseux

 ont le nez rouge des ivrognes

Béats, la voix grave,

et sans convictions

ils chantent

cachés derrière les iconostases 

– 

Ou donc est Dieu ?

Monde fou !

En plein centre de Moscou

la cathédrale « St Sauveur »

édifié au siècle dernier

 détruite par Staline

 et remplacée par une piscine

a été reconstruite

 en un an

On a vu

à la télévision,

 des pantins barbus

revêtus de longues soutanes

et suspendus aux cordes

faire sonner les cloches

pour l’ inauguration du nouveau monument

Et  la foule mal logée, s’entasse

et la foule mal logée  attend



[i]  Svetlana Alliluyeva    : Vingt lettres à un ami   p 129

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