H.Bremond : l’Abbé Saint-Cyran serait il dangereux ?

L’église

Saint-Cyran  a dit un jour

 Je vous confesse que Dieu m’a donné et me donne de grandes lumières : il m’a fait connaître qu’il n’y a plus d’Église

…. Dieu a réduit toute la religion à une simple adoration intérieure, faite en esprit et en vérité, et qu’ainsi, lorsque l’homme a reçu le don d’une telle adoration au dedans, la moindre action de charité et de piété au dehors est grande devant Dieu

 

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Henri  Bremond

dans son « sentiment religieux en France » tome IV

Bremond  en conclut :

« Ainsi  on peut assez commodément se passer des sacrements, se résigner à la disparition de l’Église.

Saint Cyran ne substituerait pas, comme on le répète, une religion de crainte à la religion d’amour,

 mais un individualisme mystique au catholicisme.

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Saint-Cyran à la négation même de l’Église et de toute église.

. Exiger pour que l’absolution soit valide, un acte préalable de pur amour, des fruits éclatants de pénitence, autant dire que l’absolution n’est pas éfficace. La réconciliation s’est faite dans le silence et loin du prêtre. Ainsi du malade qui n’attend pas pour guérir la visite du médecin.

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Ni église, ni prêtre, ni dogme, rien que Dieu et moi.

 Ce n’est  après tout qu’une construction de notre esprit.

 Il y a dans les écrits de Saint-Cyran des textes sans nombre, formels, éclatants,

qui justifieraient une construction toute contraire.

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Mais qu’on doive le tenir pour un maître dangereux, je l’ai assez dit,

à cause de la philosophie destructive que l’on tire, et très logiquement, de ses propos inconsidérés,

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Vers la fin de sa vie, il avait pris une bizarre habitude qui peut-être se rattachait, dans l’arrière-fonds de sa pensée, aux tendances que l’on vient de dire. Le dimanche, ne pouvant plus célébrer la messe à cause de ses infirmités, il venait à Saint-Jacques du Haut-Pas, sa paroisse, où il se mêlait, non sans quelque ostentation, à la foule des laïques. Avec eux, il allait à la sainte table. Un surplis rappelait toutefois sa dignité et faisait éclater sa condescendance. Ce n’est là manifestement qu’un indice, et beaucoup moins grave que tant et tant de paroles anarchistes répétées par lui avec une insistance troublante.

. Nous avons assez dit que sa doctrine profonde et inconsciente était pire que le jansénisme

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Nous lui reprochons aussi d’avoir indirectement et à son insu, mais efficacement, préparé le schisme.

 Il a créé un milieu, une atmosphère propice à la contagion qui va se répandre.

Mécontent de tout, parlant sans relâche de réforme et de primitive Eglise,

 il a développé, dans ce petit monde, des inquiétudes, des rancœurs et des aspirations pareilles aux siennes propres.

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Le prophète ne voyait pas si loin, dans sa funeste innocence, trop incohérent pour mesurer la portée de ses boutades ou, comme il disait, de ses catachrèses. Un autre viendra, esprit logique, orgueil solide, coeur résolu et sur un ordre de celui-ci, du jour au lendemain, la petite armée deviendra secte, naïvement assurée, du reste, qu’en se pliant à cette mémorable transformation, elle reste fidèle à l’esprit de M. de Saint-Cyran.

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Parmi les spirituels de cette époque je n’en connais pas de plus émouvants.

En revanche je n’en connais pas de plus incomplets, de plus manqués, pour répéter ce mot qui dit toute ma pensée.

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 Gomme génie, il n’était peut-être pas inférieur à ses insignes contemporains, à Pierre de Bérulle, au P. de Condren, à M. Olier,

sa grâce première ne lui réservait peut-être pas une sainteté moins haute.

Ses grands émules n’ont fait que du bien ; l’on n’en peut dire autant de lui.

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Qui sait même après tout s’il n’aura pas fait plus de mal que de bien.

(H. Bremond :sentiment religieux en France tome IV)

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