H Bremond : Le caractère de l’abbé de Saint-Cyran -

selon Henri Bremond  dans son livre « le sentiment religieux en France » Tome IV

L’abbé de saint Cyran est bien différent de ce que l’histoire en a retenu

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Un homme malheureux

On le construit a priori froid, sec et sinistre

 et naturellement l’on s’étonne de lui trouver des dispositions toutes contraires.

 Il avait un coeur excellent.

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Mélancolique 

…, il garde un je ne sais quoi de malade, d’un peu louche et de légèrement comique. On dirait d’une cloche fêlée …., il me parait difficile de ne pas reconnaître dans son cas des indices nettement morbides, une hérédité psychopathique assez accusée.…il a des  troubles cérébraux qui  atteignent parfois un  haut degré d’intensité.… légèrement  mégalomane. Il était prodigieusement occupé de lui-même. Dans ses lettres son moi s’étale avec une obstination déplaisante

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  mélancolique, mais avec beaucoup de bonhomie et de douceur.

Une tendre complaisance envers lui-même dénoue aisément ses crises.

 Autre solution également pacifiante ; il pleure beaucoup.mais les crises de Saint-Cyran, fréquentes, semble-t-il, mais assez courtes, ne présentaient rien de trop choquant

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Cependant très gentiment serviable, très affectueux,il se passe volontiers de la société des grandes personnes. Mais les jeunes gens ne le fatiguent jamais et, de leur côté, ils  ne le trouvent point farouche

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Craintif

Dès qu’il sort de sa forteresse, il va, mystérieux comme un conspirateur, le doigt sur les lèvres, avouant lui-même en riant que, pour éviter des aventures, il dit souvent le contraire de sa pensée.N’aurait-il pas eu. très atténué d’ailleurs, le délire de la persécution ?

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Dépressif

Il se lasse vite de tout et, il estime que tout va de travers en ce monde, Dépression paisible qu’interrompent quelques beaux réveils, mais qui tend vers une sorte d’hébétude majestueuse.Telle est du moins l’impression que nous laissent certaines des lettres ,en son déclin  toujours pleines de son moi, mais de plus en plus lasses

Pendant ses années de Paris, lorsqu’on nous le montre si redoutable, lorsqu’on le dresse contre Richelieu, Saint-Cyran n’est peut-être déjà plus qu’un précoce vieillard.

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Je ne dis rien de ses longues maladies sur lesquelles on ne nous a laissé que des indications fort vagues  

 Il ne pouvait pas se tenir debout. D’où pour lui la nécessité ou de ne pas dire la messe ou de la dire au galop.Autre infirmité :Il avait une espèce de faim canine qui l’obligeait à manger un peu de pain à diverses heures ».

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Un homme religieux

  Ce malade, cet impuissant a l’âme naturellement et passionnément religieuse.

 

Chose étrange ! Le meilleur et le vrai Saint-Cyran, l’homme de prière, l’histoire le soupçonne à peine.

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Il continue à rechercher la solitude, il tâtonne, il se dérobe, timide malgré ses façons de prophète. De vagues soupirs, des chuchotements sur la décadence présente de 1′Eglise;une ou deux réformes bizarres, mal agencées, qu’il annonce avec fracas et qu’il exécute pour sa part sans entrain, sans conviction;des lettres encore plus banales que solennelles; une quantité de petits papiers d’une insignifiance totale,

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C’était un liseur, un preneur de notes acharné

Sauf pendant la première période de sa vie, il ne demande d’abord  à ses immenses lectures que de nourrir sa dévotion. Nulle curiosité spéculative, il ne veut que s’édifier par de grandes idées religieuses.

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L’homme intérieur

Les deux vertus essentielles du chrétien intérieur sont, non pas comme on l’a cru, la crainte et la pénitence, mais bien le silence et la flexibilité, c’est-à-dire la souplesse aux inspirations divines .

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Il y a mille moyens pour nous perdre, et il n’y en a qu’un pour nous sauver, savoir l’humilité qui n’a point de plus fidèle compagnie que le silence sans lequel elle ne saurait subsister.

S’il envoie si volontiers ses pénitents au désert, c’est moins pour les mortifier que pour leur faire trouver Dieu dans le silence. Plus que des ascètes, il veut former des contemplatifs.

 Le silence et la retraite sont deux moyens qui attirent l’esprit de Dieu qui seul prie en nous

C’est  pourquoi aussi que  Saint-Cyran lui-même fuit, non seulement tout ministère actif, mais encore toute spéculation

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Il ne faudrait pas exagérer la difficulté de parole qu’on remarque chez Saint-Cyran. Il parait en effet certain que ses conférences, ses homélies, faisaient sur l’auditoire une impression profonde.

Le Père Amelote… venait le plus souvent qu’il pouvait avec… M. de Bazancourt, entendre (les conférences) que M. de Saint-Cyran nous faisait… Lorsque M. de Saint-Cyran était sorti du parloir,.. ;.. L’un disait que c’était un saint Jérôme, l’autre un saint Denis. Je me souviens que le Père Amelote nous dit un jour de la Pentecôte, qu’il viendrait de cinquante lieues pour entendre semblables discours et quand on manquait à les en avertir, ils en faisaient de grands reproches ».

Le meilleur Saint-Cyran, le seul bon, est avant tout, est presque uniquement un solitaire, un méditatif, un homme d’oraison. Se recueillir, prier est la seule occupation qui le satisfasse tout à fait. Mégalomanies, rêves de réforme, le reste l’amuse un instant, le fatigue bientôt,

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Nullement un réformateur

. On s’obstine à nous le présenter comme un réformateur considérable, comme le chef, d’une secte chrétienne.

Chef, réformateur, que d’ironie dans ces titres appliqués à un Saint-Cyran ! C’est bien là du reste, je le sais trop, le personnage qu’il aurait voulu, qu’à certains moments, il a cru jouer.Sa tare originelle, sa mégalomanie stérile le voulait acteur, 

A ce pauvre cerveau si peu cohérent, on fait couver de vastes desseins, à ces épaules que nous avons vues si chancelantes, on fait porter un long siècle de manœuvres tenaces.

Sans doute  le vrai jansénisme commence avec la Fréquente communion du grand Arnauld,

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