Le « Bon Sens » d’après les pères jésuites Louis Lallemant et Rigoleuc

le Bon sens

selon le p. Rigoleuc

 

« On ne se conduit, que par la prudence humaine, déguisée sous le nom de bon sens.

On rapporte tout à la règle de ce prétendu bon sens.

C’est même selon cette fausse règle que l’on juge des choses spirituelles,

 des opérations divines et des merveilles de la grâce,

n’en approuvant que ce qui s’accommode à son caprice.

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Suivant cette règle, on se fait un système de la vie spirituelle,

avec la même liberté que les philosophes et les mathématiciens imaginent

leurs systèmes du monde et des globes célestes. On ménage les grâces de Dieu en soi et dans les autres

selon les maximes de la sagesse humaine,

et par un étrange aveuglement qui est la juste punition des esprits superbes,

on croit ne suivre que la raison et le bon sens,

 lorsqu’on s’éloigne davantage de l’esprit de Dieu » ( La vie du P. J. Rigoleuc, par Campion)

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Selon le P. Lallemant 

La plupart des religieux, même des bons et des vertueux,

ne suivent dans leur conduite particulière et dans celle des autres,

que la raison et le bon sens ;

en quoi plusieurs d’entre eux excellent.

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Cette règle est bonne,

mais elle ne suffit pas pour la perfection chrétienne.

Ces personnes-là se conduisent d’ordinaire par le sentiment commun de ceux avec lesquels elles vivent

 et comme ceux-ci sont imparfaits,

bien que leur vie ne soit pas déréglée,

 parce que le nombre des parfaits est fort petit,

jamais elles n’arrivent aux sublimes voies de l’esprit :

 elles vivent comme le commun

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C’est un monstre que, même dans la religion,

il se trouve des personnes qui ne goûtent que ce qui peut les rendre considérables aux yeux du monde ;

 qui ne font tout ce qu’elles font pendant les vingt et les trente années de la vie religieuse,

 que pour avancer au but où elles aspirent ;

n’ont presque de joie ni de tristesse que par rapport à cela,

 ou du moins sont plus sensibles à cela qu’à tout autre chose.

Tout le reste qui regarde Dieu et la perfection, leur est insipide,

elles n’y trouvent point de goût.

Cet état est terrible et mériterait d’être déploré avec des larmes de sang (la doctrine spirituelle du p Lallemant p 316).

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Franchir le pas

 

Rigoleuc, toujours sous l’inspiration de son maître,

mais aussi, toujours personnel,

reprend et achève cette ébauche émouvante :

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Nous combattons contre Dieu des années entières

et nous résistons aux mouvements de sa grâce

qui nous poussent intérieurement à quitter une partie de nos misères

en quittant les vains amusements qui nous arrêtent,

 et nous donnant à lui sans réserve…

Mais accablés de notre amour-propre,

aveuglés de notre ignorance,

retenus par de fausses craintes,

 nous n’osons franchir le pas ;

 et de peur d’être misérables, nous demeurons toujours misérables

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« Franchir le pas »

Cette image résume une idée du  P. Lallemant

 

Quel est le premier pas?

C’est une volonté déterminée de renoncer aux propres satisfactions,

 pour demeurer en la présence de Dieu

et opérer en sa lumière le bien qui sera connu, sans lui rien refuser.

 

«  Franchir le pas », c’est prendre un « chemin » nouveau;

Il n’est pas question de changer d’ordre, de monter plus haut.

 Mais simplement, l’on est pressé de « renoncer une bonne fois », à tous les intérêts, à toutes les volontés propres ;

de « faire le sacrifice entier » ;

de se « mettre dans une parfaite nudité d’esprit ».

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 De cette perte de soi-même, on ne voit pour l’instant que l’horreur presque infinie ;

 on hésite devant le vide affreux qui va se faire

et l’on n’imagine pas la plénitude qui doit suivre,

 si l’on accepte, si l’on s’abandonne,

si l’on « franchit le pas ».

(La « doctrine spirituelle » citée par Bremond dans « le ,Sentiment religieux en France » tome V  P24)

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