Encyclique Laudato si : Chapitre 3 : La Racine humaine de la crise écologique
Le pouvoir de la Technique
Nous sommes les héritiers de deux siècles d’énormes vagues de changement : la machine à vapeur, le chemin de fer,… l’électricité, l’automobile, l’avion, les industries chimiques, la médecine moderne, l’informatique, et, plus récemment, la révolution digitale, la robotique, les biotechnologies et les nanotechnologies.
Il est juste de se réjouir face à ces progrès, parce que « la science et la technologie sont un produit merveilleux de la créativité humaine, ce don de Dieu ».
Peut-on nier la beauté d’un avion, ou de certains gratte-ciels ?
Il y a de belles œuvres picturales et musicales réalisées grâce à l’utilisation de nouveaux instruments.Ainsi, se réalise un saut vers une certaine plénitude proprement humaine.
Mais nous ne pouvons pas ignorer que l’énergie nucléaire, la biotechnologie, l’informatique, la connaissance de notre propre ADN et d’autres capacités que nous avons acquises, nous donnent un terrible pouvoir. Elles donnent à ceux qui ont la connaissance, une emprise impressionnante sur l’ensemble de l’humanité et sur le monde entier.
Jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira toujours bien,
En quelles mains se trouve et pourrait se trouver tant de pouvoir ? Il est terriblement risqué qu’il réside en une petite partie de l’humanité.
On a tendance à croire « que tout accroissement de puissance est en soi ‘progrès’, un degré plus haut de sécurité, d’utilité, de bien-être, de force vitale, de plénitude des valeurs
En fait « l’homme moderne n’a pas reçu l’éducation nécessaire pour faire un bon usage de son pouvoir »
La Technique est elle indispensable ?
Il est très difficile aujourd’hui de se passer de la technique .Elle transforme nos styles de vie,
mais nous place aussi sous la domination des intérêts de certains groupes de pouvoir
L’économie assume tout le développement de la technique en fonction du profit, sans prêter attention à d’éventuelles conséquences négatives pour l’être humain…comme la dégradation de l’environnement, l’angoisse, la perte du sens de la vie et de la cohabitation.
Or chercher seulement un remède technique à chaque problème environnemental qui surgit, c’est isoler des choses qui sont entrelacées dans la réalité, et c’est se cacher les vraies et plus profondes questions du système mondial.
On peut se liberer de la Technique en certaines occasions, par exemple, quand des communautés de petits producteurs optent pour des systèmes de production moins polluants, en soutenant un mode de vie, de bonheur et de cohabitation non consumériste ;
Certains prennent conscience que les avancées de la science et de la technique ne sont pas équivalentes aux avancées de l’humanité et de l’histoire, et ils perçoivent que les chemins fondamentaux sont autres pour un avenir heureux.
Cependant, ils ne s’imaginent pas pour autant renoncer aux possibilités qu’offre la technologie.. Personne ne prétend vouloir retourner à l’époque des cavernes, cependant il est indispensable de ralentir la marche pour regarder la réalité d’une autre manière, recueillir les avancées positives et durables, et en même temps récupérer les valeurs et les grandes finalités qui ont été détruites par une frénésie mégalomane.
L’anthropocentrisme :egoïsme et individualisme
Quand l’être humain se met lui-même au centre, il finit par donner la priorité absolue à ses intérêts de circonstance, et tout le reste devient relatif.
Il n’est pas étonnant que, avec l’omniprésence de la technique et le culte du pouvoir humain sans limites, se développe chez les personnes ce relativisme dans lequel tout ce qui ne sert pas aux intérêts personnels immédiats est privé d’importance.
.C’est la même logique qui pousse à l’exploitation sexuelle des enfants ou à l’abandon des personnes âgées qui ne servent pas des intérêts personnels.
Quelles limites peuvent alors avoir la traite des êtres humains, la criminalité organisée, le narcotrafic, le commerce de diamants ensanglantés et de peaux d’animaux en voie d’extinction ?
N’est-ce pas la même logique relativiste qui justifie l’achat d’organes des pauvres dans le but de les vendre ou de les utiliser pour l’expérimentation, ou le rejet d’enfants parce qu’ils ne répondent pas au désir de leurs parents ?
C’est la même logique du “utilise et jette”, qui engendre tant de résidus, seulement à cause du désir désordonné de consommer plus qu’il n’est réellement nécessaire.
Travail et ecologie
Dans n’importe quelle approche d’une écologie intégrale qui n’exclue pas l’être humain, il est indispensable d’incorporer la valeur du travail,
Voyons la longue tradition du monachisme.
Saint Benoît de Nurcie a proposé que ses moines vivent en communauté, alliant la prière et la lecture au travail manuel (“Ora et labora’’).
Cette manière de vivre le travail nous rend plus attentifs et plus respectueux de l’environnement
Le travail devrait être le lieu de ce développement personnel multiple où plusieurs dimensions de la vie sont en jeu : la créativité, la projection vers l’avenir, le développement des capacités, la mise en pratique de valeurs, la communication avec les autres, une attitude d’adoration.
Il est nécessaire que « l’on continue à se donner comme objectif prioritaire l’accès au travail…pour tous».
Nous sommes appelés au travail dès notre création. On ne doit pas chercher à ce que le progrès technologique remplace de plus en plus le travail humain, car ainsi l’humanité se dégraderait elle-même. Le travail est une nécessité,
Dans ce sens, aider les pauvres avec de l’argent doit toujours être une solution provisoire pour affronter des urgences. Le grand objectif devrait toujours être de leur permettre d’avoir une vie digne par le travail. Mais l’orientation de l’économie a favorisé une sorte d’avancée technologique pour réduire les coûts de production par la diminution des postes de travail qui sont remplacés par des machines.
C’est une illustration de plus de la façon dont l’action de l’être humain peut se retourner contre lui-même
les coûts humains sont toujours aussi des coûts économiques, et les dysfonctionnements économiques entraînent toujours des coûts humains
.Cesser d’investir dans les personnes pour obtenir plus de profit immédiat est une très mauvaise affaire pour la société.
Par exemple, il y a une grande variété de systèmes alimentaires ruraux de petites dimensions qui continuent à alimenter la plus grande partie de la population mondiale, en utilisant une faible proportion du territoire et de l’eau, et en produisant peu de déchets
Les économies d’échelle, spécialement dans le secteur agricole, finissent par forcer les petits agriculteurs à vendre leurs terres ou à abandonner leurs cultures traditionnelles.
Les autorités ont le droit et la responsabilité de prendre des mesures de soutien clair et ferme aux petits producteurs et à la variété de la production.
Il peut parfois être nécessaire de mettre des limites à ceux qui ont plus de moyens et de pouvoir financier.
L’innovation biologique à partir de la recherche
l’Église valorise l’apport de « l’étude et des applications de la biologie moléculaire, complétée par d’autres disciplines, comme la génétique et son application technologique dans l’agriculture et dans l’industrie »,Mais cela ne doit pas donner lieu à une « manipulation génétique menée sans discernement » qui ignore les effets négatifs de ces interventions..
Il est difficile d’émettre un jugement général sur les développements de transgéniques (OMG. D’autre part, les risques ne sont pas toujours dus à la technique en soi, mais à son application inadaptée ou excessive.
En de nombreux endroits, suite à l’introduction de ces cultures, on constate une concentration des terres productives entre les mains d’un petit nombre, due à « la disparition progressive des petits producteurs, qui, en conséquence de la perte de terres exploitables, se sont vus obligés de se retirer de la production directe».
Dans plusieurs pays, on perçoit une tendance au développement des oligopoles dans la production de grains et d’autres produits nécessaires à leur culture, et la dépendance s’aggrave encore avec la production de grains stériles qui finirait par obliger les paysans à en acheter aux entreprises productrices.
. Il est nécessaire d’avoir des espaces de discussion où tous ceux qui, de quelque manière, pourraient être directement ou indirectement concernés (agriculteurs, consommateurs, autorités, scientifiques, producteurs de semences, populations voisines des champs traités, et autres) puissent exposer leurs problématiques ou accéder à l’information complète et fiable pour prendre des décisions en faveur du bien commun présent et futur.
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