Chateaubriand : Le « génie du Christianisme » ( 1e partie ,livre 5,12) la traversée de l’atlantique

Dans le « génie du Christianisme » Chateaubriand

raconte avec beaucoup d émotion sa traversée de l’atlantique 

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Il nous arrivait souvent de nous lever au milieu de la nuit 

et d’aller nous asseoir sur le pont,

 où nous ne trouvions que l’officier de quart

et quelques matelots qui fumaient leur pipe en silence

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 Pour tout bruit on entendait 

le froissement de la proue sur les flots,

 tandis que des étincelles de feu couraient

 avec une blanche. écume le long des flancs du navire.

 Dieu des chrétiens! 

c’est surtout dans les eaux de l’abîme 

et dans les profondeurs des cieux 

que tu as gravé bien fortement

 les traits de ta toute-puissance 

Des millions d’étoiles rayonnant

 dans le sombre azur du dôme céleste,

 la lune au milieu du firmament, 

une mer sans rivages, 

l’infini dans le ciel et sur les flots! 

Jamais tu ne m’as plus troublé de ta grandeur

 que dans ces nuits où, suspendu entre les astres et l’Océan,

 j’avais l’immensité sur ma tête

 et l’immensité sous mes pieds 1
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Je ne suis rien 

je ne suis qu’un simple solitaire.

 J’ai souvent entendu les savants disputer sur le premier Être,

 et je ne les ai point compris 

mais j’ai toujours remarqué 

que c’est à la vue des grandes scènes de la nature

 que cet Être inconnu se manifeste au cœur de l’homme.

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 Un soir (il faisait un profond calme) nous nous trouvions

dans ces belles mers qui baignent les rivages de la Virginie 

toutes les voiles étaient pliées 

j’étois occupé sous le pont,

 lorsque j’entendis la cloche qui appelait l’équipage à la priére 

je me hâtai d’aller mêler mes vœux à ceux de mes compagnons de voyage.

 Les officiers étoient sur le château de poupe avec les passagers;

 l’aumônier, un livre à la main, 

se tenoit un peu en avant d’eux; 

les matelots étoient répandus pêle-mêle sur le tillac 

nous étions tous debout, 

le visage tourné vers la proue du vaisseau, 

qui regardoit l’occident.

Il eût été bien à plaindre, celui qui dans ce spectacle n’eût point 

reconnu la beauté de Dieu. 

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