Premier discours du pape François adressé aux mouvements populaires du monde : Les 3 T (terre toit ,travail )
En Octobre 2014 le pape François rencontre à Rome pour la première fois les représentants des « mouvements populaires » venus du monde entier
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Voici des passages de son discours
Discours du pape
Les pauvres ne subissent pas seulement l’injustice mais ils luttent aussi contre elle !
Ils ne se contentent pas de promesses illusoires, d’excuses ou d’alibis.
Ils n’attendent pas non plus, les bras croisés, l’aide des ONG, des plans d’aide ou des solutions qui ne viennent jamais ou, si elles viennent, arrivent de telle façon qu’elles vont dans un sens qui est d’anesthésier ou de domestiquer, c’est plutôt dangereux.
Vous sentez que les pauvres n’attendront plus et exigent d’être des protagonistes ;
ils s’organisent, étudient, travaillent, réclament et, surtout, pratiquent cette solidarité très spéciale qui existe entre ceux qui souffrent, entre les pauvres, et que notre civilisation semble avoir oubliée, ou au moins a très envie d’oublier.
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Non des idéologues
Notre rencontre ne répond pas à une idéologie. Vous ne travaillez pas avec des idées,
Vous avez les pieds dans la boue et les mains dans la chair.
Vous sentez le quartier, le peuple, la lutte !
sans votre présence, sans aller vraiment aux périphéries, les bonnes propositions et les bons plans dont nous entendons souvent parler dans les conférences internationales restent dans le domaine de l’idée, c’est « mon » plan.
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Non de l’assistanat
On ne peut affronter le scandale de la pauvreté en promouvant des stratégies de limitation qui se contentent seulement de tranquilliser et de transformer les pauvres en êtres domestiqués et inoffensifs. Quelle tristesse de voir que, derrière l’allégation d’oeuvres altruistes, on réduit l’autre à la passivité, on le dénie, ou, pire encore, que se cachent des entreprises et des ambitions personnelles. Jésus les appellerait hypocrites.
Quel beau changement que de voir les peuples en mouvement, en particulier leurs membres les plus pauvres et les jeunes. Alors ,oui, on sent le vent de la promesse qui ravive l’espoir d’un monde meilleur. Mon désir est que ce vent se transforme en un ouragan d’espérance.
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Une devise : Les 3T
Une terre, un toit et un travail,
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La Terre.
Je vois qu’il y a ici des dizaines de paysans et de paysannes et je me félicite avec eux parce qu’ils protègent la terre, la cultivent et le font en communauté. Je suis préoccupé par le déracinement de tant de frères paysans qui souffrent pour cela, et non pas à cause de guerres ou de catastrophes naturelles.
L’accaparement des terres, la déforestation, l’appropriation de l’eau, les pesticides inadéquats sont quelques-uns des maux qui arrachent l’homme à sa terre natale.
L’autre dimension du processus global actuel est la faim. Lorsque la spéculation financière conditionne le prix des aliments, en les traitant comme n’importe quelle marchandise, des millions de personnes souffrent et meurent de faim. Par ailleurs, des tonnes de nourriture sont jetées. Ceci est un véritable scandale. La faim est un crime, l’alimentation est un droit inaliénable.
S’il vous plaît, continuez la lutte pour la dignité de la famille rurale, pour l’eau, pour la vie et pour que chacun puisse bénéficier des fruits de la terre.
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Un toit.
Des villes qui offrent d’innombrables plaisirs et du bien-être pour une minorité heureuse, mais qui refusent un toit à des milliers de nos voisins et frères, y compris des enfants, et que nous appelons avec élégance, « les personnes sans domicile fixe ». Il est curieux de voir comment dans le monde des injustices, abondent les euphémismes. On n’utilise pas des mots précis, on traduit la réalité par un euphémisme. Une personne, une personne ségréguée, une personne mise de côté, une personne souffrant de la misère, de la faim, est une personne sans domicile fixe : une expression élégante, non ? Vous devez toujours chercher –je pourrais me tromper dans quelques cas – mais en général, derrière un euphémisme, il y a un délit.
Qu’il est pénible d’entendre que les quartiers pauvres sont marginalisés, ou, pire encore, qu’on veut les éradiquer ! Cruelles sont les images des déplacements forcés,des bulldozers démolissant les baraques, images semblables à des images de guerre. Et nous en sommes témoins aujourd’hui.
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Un travail.
Il n’y a pas de pauvreté matérielle pire – je tiens à le souligner – il n’y a pas de pauvreté matérielle pire que celle qui ne permet pas de gagner son pain et prive quelqu’un de la dignité du travail.
Le chômage des jeunes, le travail informel et le manque de droits des travailleurs ne sont pas inévitables
Cela se produit lorsque le centre d’un système économique est le dieu de l’argent, et non pas l’homme, la personne humaine
je me souviens d’un enseignement de l’année 1200 environ. Un rabbin juif expliquait à ses fidèles l’histoire de la tour de Babel, et alors il racontait que pour construire cette tour de Babel, beaucoup d’efforts étaient nécessaires; il fallait fabriquer les briques, et pour faire les briques il fallait avoir de la boue et apporter de la paille, et pétrir la boue avec de la paille, puis la découper en carrés, puis la sécher, puis la faire cuire, et lorsque les briques étaient cuites et froides, les prendre pour construire la tour.
Si une brique tombait – une brique revenait très cher étant donné tout ce travail – c’était presque une tragédie nationale. Celui qui l’avait laissée tomber était puni ou chassé, ou je ne sais pas ce qu’on lui faisait, mais si un travailleur tombait, rien ne se passait. C’est ce qui arrive lorsque la personne est au service du dieu de l’argent, et cette histoire était racontée par un rabbin juif, en l’an 1200, expliquant ces choses terribles.
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Dans les pays d’Europe, et ce sont des statistiques très claires, ici en Italie, un peu plus de 40% des jeunes sont chômeurs; vous savez ce que signifie 40% des jeunes – toute une génération, l’annulation de toute une génération pour maintenir l’équilibre.
Ce sont des chiffres clairs, à savoir du rebut. Rejet des enfants, des personnes âgées, qui ne produisent pas et nous devons sacrifier une génération de jeunes gens, les déchets de jeunes, pour être en mesure de maintenir et de remettre d’aplomb un système au centre duquel est placé le dieu de l’argent et non la personne humaine.
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Malgré cette culture du déchet, cette culture des surplus, beaucoup d’entre vous, travailleurs exclus, les surplus de ce système, vous avez inventé votre propre travail avec tout ce qui semblait ne plus pouvoir être utilisé mais vous, avec votre savoir-faire artisanal que Dieu vous a donné, avec votre quête, avec votre solidarité, avec votre travail communautaire, avec votre économie populaire, vous avez réussi et vous êtes en train de réussir. Et permettez-moi de vous le dire, en plus du travail, c’est de la poésie ! Merci.
Désormais, chaque travailleur, qu’il soit plus ou moins dans le système formel du travail salarié, a droit à une rémunération convenable, à la sécurité sociale et à la couverture de la retraite. Ici, il y a les cartoneros, les recycleurs, les marchands ambulants, les tailleurs, les artisans, les pêcheurs, les paysans, les maçons, les mineurs, les ouvriers d’entreprises récupérées, les membres de coopératives de tous types et les personnes occupant des emplois les plus communs, qui sont exclus des droits des travailleurs, qui se voient refuser la possibilité d’avoir un syndicat, qui n’ont pas de revenu suffisant et stable. Aujourd’hui, je veux joindre ma voix à la leur et les accompagner dans la lutte.
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Paix et écologie
Au cours de cette rencontre, vous avez également parlé de Paix et d’Ecologie. C’est logique: il ne peut pas y avoir de terre, il ne peut y avoir de toit, il ne peut y avoir de travail si nous n’avons pas la paix et si nous détruisons la planète.
Pour l’argent on tue l’homme
Il existe des systèmes économiques qui doivent faire la guerre pour survivre. Alors on fabrique et on vend des armes et avec cela, les bilans des économies qui sacrifient l’homme aux pieds de l’idole de l’argent, deviennent évidemment assainis.
On ne pense pas aux enfants souffrant affamés dans les camps de réfugiés,
on ne pense pas aux déplacements forcés
on ne pense pas aux maisons détruites;
on ne pense pas non plus à tant de vies détruites.
Combien de souffrance, combien de destruction, combien de douleur !
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Pour l’argent on détruit la nature
Un système économique centré sur le dieu de l’argent a aussi besoin de saccager la nature
, de saccager la nature pour soutenir le rythme effréné de consommation qui lui est inhérent.
Le changement climatique,
la perte de la biodiversité,
la déforestation
montrent déjà leurs effets dévastateurs dans les grands cataclysmes dont nous sommes témoins, et dont vous êtes ceux qui souffrent le plus, les humbles, vous qui vivez près des côtes dans des logements précaires ou qui êtes très vulnérables économiquement au risque de tout perdre face à une catastrophe naturelle.
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Parce que dans ce système l’homme, la personne humaine a été enlevée du centre et remplacée par quelque chose d’autre.
Parce que l’on rend un culte idolâtre à l’argent.
Parce que l’on a globalisé l’indifférence !
Parce que le monde a oublié Dieu, qui est Père ; il est devenu orphelin parce qu’il a laissé Dieu de côté.
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Certains d’entre vous ont dit : on ne peut plus supporter ce système. Nous devons le changer, nous devons remettre la dignité humaine au centre
Ce doit être fait avec courage, mais aussi avec intelligence. Avec ténacité, mais sans fanatisme. Avec passion, mais sans violence.
La proposition dont certains d’entre vous m’ont parlé me semble importante, que ces mouvements, ces expériences de solidarité, qui se développent à partir d’en bas, du sous-sol de la planète, confluent, soient plus coordonnées, se rencontrent, comme vous l’avez fait ces jours-ci.
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