Deuxième discours du pape François adressé aux mouvements populaires du monde : Nous voulons changer le monde
La première rencontre du pape avec les mouvements populaires eut lieu à Rome en 2014
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la 2é rencontre eut lieu à Santa Cruz de la Sierra en Bolivie (7-9 juillet 2015). Plus de 1500 délégués provenant des différents mouvements populaires d’Amérique latine étaient présent . Des délégations d’autres continents et le président Evo Morales étaient également présents.
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Discours
en voici des extraits
Nous voulons changer
- Reconnaissons-nous que les choses ne marchent pas bien dans un monde
où il y a tant de paysans sans terre, tant de familles sans toit, tant de travailleurs sans droits,
tant de personnes blessées dans leur dignité?
- Reconnaissons-nous que ce système a imposé la logique du gain à n’importe quel prix sans penser à l’exclusion sociale ou à la destruction de la nature ?
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S’il en est ainsi, j’insiste, disons-le sans peur :
nous voulons un changement,
un changement réel,
un changement de structures.
On ne peut plus supporter ce système,
les paysans ne le supportent pas,
les travailleurs ne le supportent pas,
les communautés ne le supportent pas,
les peuples ne le supportent pas…
Et la Terre non plus ne le supporte pas, l
a soeur Mère Terre comme disait saint François.
Nous voulons un changement dans nos vies, dans nos quartiers, dans le terroir, dans notre réalité la plus proche
un changement qui nous libère de cette tristesse individualiste asservissante.
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Le fumier du diable
On est en train de châtier la terre, les peuples et les personnes de façon presque sauvage.
Et derrière tant de douleur, tant de mort et de destruction, se sent l’odeur de ce que Basile de Césarée appelait “le fumier du diable” ; l’ambition sans retenue de l’argent qui commande.
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Que puis je faire ?
Le service du bien commun est relégué à l’arrière-plan.
Que puis-je faire, moi, chiffonnier, comptable, ramasseur d’ordures, agent de recyclage, face à tant de problèmes si je gagne à peine assez pour manger ?
Que puis-je faire, moi, artisan, vendeur ambulant, transporteur, travailleur exclu si je n’ai même pas les droits des travailleurs ?
Que puis-je faire, moi, paysanne, indigène, pêcheur qui peut à peine résister à l’asservissement des grandes corporations ?
Que puis-je faire, moi, depuis mon bidonville, depuis ma cabane, de mon village, de ma ferme quand je suis quotidiennement discriminé et marginalisé ?
Que peut faire cet étudiant, ce jeune, ce militant, ce missionnaire qui parcourt les banlieues et les environs, le coeur plein de rêves, mais sans presqu’aucune solution pour mes problèmes ?
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Beaucoup ! Ils peuvent faire beaucoup. Vous, les plus humbles, les exploités, les pauvres et les exclus, vous pouvez et faites beaucoup.
J’ose vous dire que l’avenir de l’humanité est, dans une grande mesure, dans vos mains, dans votre capacité de vous organiser et de promouvoir des alternatives créatives, dans la recherche quotidienne des 3 T (travail, toit, terre) et aussi, dans votre participation en tant que protagonistes aux grands processus de changement, nationaux, régionaux et mondiaux.
Ne vous sous-estimez pas !
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Des semeurs de changement
Vous êtes des semeurs de changement.
Voilà pourquoi me plaît tant l’image du processus, où la passion de semer, d’arroser sereinement ce que d’autres verront fleurir, remplace l’obsession d’occuper tous les espaces de pouvoir disponibles et de voir des résultats immédiats.
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A partir des mouvements populaires, vous assumez des activités de toujours, motivés par l’amour fraternel qui se révèle contre l’injustice sociale.
Quand nous regardons le visage de ceux qui souffrent,
le visage du paysan menacé, du travailleur exclu, de l’indigène opprimé,
de la famille sans toit, du migrant persécuté,
du jeune en chômage, de l’enfant exploité,
de la mère qui a perdu son fils dans une fusillade
parce que le quartier a été accaparé par le trafic de stupéfiants,
du père qui a perdu sa fille parce qu’elle a été soumise à l’esclavage ;
quand nous nous rappelons ces ‘‘visages et noms’’,
nos entrailles se remuent face à tant de douleur et nous sommes émus …
. Car ‘‘nous avons vu et entendu’’,
non pas la statistique froide mais les blessures de l’humanité souffrante, nos blessures, notre chair.
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De ces graines d’espérance semées patiemment dans les périphéries oubliées de la planète,
de ces bourgeons de tendresse qui luttent pour subsister dans l’obscurité de l’exclusion,
croîtront de grands arbres,
surgiront des forêts denses d’espérance
pour oxygéner ce monde.
. Je suis convaincu que la collaboration respectueuse avec les mouvements populaires peut renforcer ces efforts et fortifier les processus de changement.
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Je voudrais, cependant, proposer trois grandes tâches qui requièrent l’apport décisif de l’ensemble des mouvements populaires :
1) mettre l’économie au service des peuples :
Une économie juste doit créer les conditions pour que chaque personne puisse jouir d’une enfance sans privations, développer ses talents durant la jeunesse, travailler de plein droit pendant les années d’activité et accéder à une retraite digne dans les vieux jours. C’est une économie où l’être humain, en harmonie avec la nature, structure tout le système de production et de distribution pour que les capacités et les nécessités de chacun trouvent une place appropriée dans l’être social. Vous, et aussi d’autres peuples, vous résumez ce désir ardent d’une manière simple et belle : ‘‘vivre bien’’.
. Les plans d’assistance qui s’occupent de certaines urgences devraient être pensés seulement comme des réponses passagères. Ils ne pourront jamais substituer la vraie inclusion : celle-là qui donne le travail digne, libre, créatif, participatif et solidaire.
Des poètes sociaux
Sur ce chemin, les mouvements populaires ont un rôle essentiel, non seulement en exigeant et en réclamant, mais fondamentalement en créant.
Vous êtes des poètes sociaux :
des créateurs de travail,
des constructeurs de logements,
des producteurs de nourriture,
surtout pour ceux qui sont marginalisés par le marché mondial.
Les entreprises récupérées, les marchés aux puces et les coopératives de chiffonniers sont des exemples de cette économie populaire qui surgit de l’exclusion et, petit à petit, avec effort et patience, adopte des formes solidaires qui la rendent digne.
Que cela est différent de l’exploitation des marginalisés du marché formel comme des esclaves !
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2) Unir nos peuples sur le chemin de la paix et de la justice.
Les peuples du monde veulent être artisans de leur propre destin. Ils veulent conduire dans la paix leur marche vers la justice. Ils ne veulent pas de tutelles ni d’ingérence où le plus fort subordonne le plus faible. Ils veulent que leur culture, leur langue, leurs processus sociaux et leurs traditions religieuses soient respectés.
Aucun pouvoir de fait ou constitué n’a le droit de priver les pays pauvres du plein exercice de leur souveraineté et, quand on le fait, nous voyons de nouvelles formes de colonialisme qui affectent sérieusement les possibilités de paix et de justice
. Le colonialisme, nouveau et ancien, qui réduit les pays pauvres en de simples fournisseurs de matière première et de travail bon marché, engendre violence, misère, migrations forcées et tous les malheurs qui vont de pair… précisément parce que, en ordonnant la périphérie en fonction du centre, le colonialisme refuse à ces pays le droit à un développement intégral. C’est de l’injustice et l’injustice génère la violence qu’aucun recours policier, militaire ni aucun service d’intelligence ne peut arrêter.
Disons NON aux vieilles et nouvelles formes de colonialisme. Disons OUI à la rencontre entre les peuples et les cultures. Bienheureux les artisans de paix.
Frères et soeurs du mouvement indigène latino-américain, ..votre recherche de cette interculturalité qui combine la réaffirmation des droits des peuples autochtones avec le respect de l’intégrité territoriale des États nous enrichit et nous fortifie tous.
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3)Défendre la Mère Terre.
Je vous demande, au nom de Dieu, de défendre la Mère Terre. Sur ce thème, je me suis exprimé dûment dans l’Encyclique Laudato si’
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. Pour finir, je voudrais vous dire de nouveau : l’avenir de l’humanité n’est pas uniquement entre les mains des grands dirigeants, des grandes puissances et des élites. Il est fondamentalement dans les mains des peuples ; dans leur capacité à s’organiser et aussi dans vos mains qui arrosent avec humilité et conviction ce processus de changement.
Je vous accompagne. Disons ensemble de tout coeur : aucune famille sans logement, aucun paysan sans terre, aucun travailleur sans droits, aucun peuple sans souveraineté, aucune personne sans dignité, aucun enfant sans enfance, aucun jeune sans des possibilités, aucun vieillard sans une vieillesse vénérable. Continuez votre lutte et, s’il vous plaît, prenez grand soin de la Mère la Terre.
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