Léopold Sedar Senghor :Hosties noires »

Ces poème   écrit en 1948 est  dédié à  Georges Pompidou que Senghor  a  fréquenté  à l’école normale 

Il commence par une ode en l’honneur des tirailleurs sénégalais

**

Hostie

ce mot « hostie » veut dire « victime »

Les noirs ont été maintes et maintes fois sacrifiés par la France

l’esclavage la colonisation ,les tirailleurs ….

Comment  peuvent  ils pardonner , ?

  … Sicut et nos dimittimus debitoribus nostris

 Comment devenir non plus une simple victime

 mais une hostie offerte

pour la paix dans le monde ?

**

Comment ne pas citer ce dernier poème ?

Étonnant !

Les africains sauveront le monde

en devenant des hosties , des  « sacrifiés »   

Seigneur Jésus, à la fin de ce livre que je T’offre comme un ciboire de souffrances

**

Déjà , par ailleurs des théologiens africains  l’ont dit en commentant le verset évangélique   

la pierre rejetée par les bâtisseurs est  devenue la pierre d ‘angle  

Mgr Tshibangu le dit

Cliquez ICI

Walligo le dit

Cliquez ICI

**

Les hosties noires

ce sont eux les compagnons de l’agneau égorgé de l’apocalypse qui savent pardonner

cliquez ICI 

**

Seigneur, au pied de cette croix –

et ce n’est plus Toi l’arbre de douleur,

 mais au-dessus de l’Ancien et du Nouveau Monde l’Afrique crucifiée
Et son bras droit s’étend sur mon pays, et son côté gauche ombre l’Amérique
Et son cœur est Haïti cher, Haïti qui osa proclamer l’Homme en face du Tyran
Au pied de mon Afrique crucifiée depuis quatre cents ans et pourtant respirante
Laisse-moi Te dire Seigneur, sa prière de paix et de pardon.

.,

Seigneur Dieu, pardonne à l’Europe blanche !
Et il est vrai, Seigneur, que pendant quatre siècles de lumières

 elle a jeté la bave et les abois de ses molosses sur mes terres
Et les chrétiens, abjurant Ta lumière et la mansuétude de Ton cœur
Ont éclairé leurs bivouacs avec mes parchemins,

torturé mes talbés,

 déporté mes docteurs et mes maîtres-de-science.

 

Leur poudre a croulé dans l’éclair la fierté des tatas et des collines
Et leurs boulets ont traversé les reins d’empires vastes comme le jour clair, de la Corne de l’Occident jusqu’à l’Horizon oriental
Et comme des terrains de chasse, ils ont incendié les bois intangibles, tirant Ancêtres et génies par leur barbe paisible.
.
Seigneur, pardonne à ceux qui ont fait des Askia des maquisards, de mes princes des adjudants
De mes domestiques des boys

 et de mes paysans des salariés,

 de mon peuple un peuple de prolétaires.

 

Car il faut bien que Tu pardonnes à ceux qui ont donné la chasse à mes enfants comme à des éléphants sauvages.
Et ils les ont dressés à coups de chicotte, et ils ont fait d’eux les mains noires de ceux dont les mains étaient blanches.
Car il faut bien que Tu oublies ceux qui ont exporté dix millions de mes fils dans les maladreries de leurs navires
Qui en ont supprimé deux cents millions.
Et ils m’ont fait une vieillesse solitaire parmi la forêt de mes nuits et la savane de mes jours.
Seigneur la glace de mes yeux s’embue
Et voilà que le serpent de la haine lève la tête dans mon cœur, ce serpent que j’avais cru mort…

Tue-le Seigneur, car il me faut poursuivre mon chemin, et je veux prier singulièrement pour la France.
Seigneur, parmi  les nations blanches, place la France à la droite du Père.

 

Oh ! je sais bien qu’elle aussi est l’Europe, qu’elle m’a ravi mes enfants comme un brigand du Nord des boeufs, pour engraisser ses terre à cannes et coton, car la sueur nègre est fumier.
Qu’elle aussi a porté la mort et le canon dans mes villages bleus, qu’elle a dressé les miens les uns contre les autres comme des chiens se disputant un os
Qu’elle a traité les résistants de bandits, et craché sur les têtes-aux-vastes-desseins.
Oui, Seigneur, pardonne à la France qui dit bien la voie droite et chemine par les sentiers obliques
Qui m’invite à sa table et me dit d’apporter mon pain, qui me donne de la main droite et de la main gauche enlève la moitié.
Oui Seigneur, pardonne à la France qui hait les occupants et m’impose l’occupation si gravement
Qui ouvre des voies triomphales aux héros et traite ses Sénégalais en mercenaires, faisant d’eux les dogues noirs de l’Empire
Qui est la République et livre les pays aux Grands-Concessionnaires
Et de ma Mésopotamie, de mon  Congo, ils ont fait un grand cimetière sous le soleil blanc.

 

Ah ! Seigneur, éloigne de ma mémoire la France qui n’est pas la France, ce masque de petitesse et de haine sur le visage de la France
Ce masque de petitesse et de haine pour qui je n’ai que haine – mais je peux bien haïr le Mal

 

Car j’ai une grande faiblesse pour la France.
Bénis de peuple garrotté qui par deux fois sut libérer ses mains et

 osa proclamer l’avènement des pauvres à la royauté
Qui fit des esclaves du jour des hommes libres égaux fraternels
Bénis ce peuple qui m’a apporté Ta Bonne Nouvelle, Seigneur, et ouvert mes paupières lourdes à la lumière de la foi…

Il a ouvert mon cœur à  la connaissance du monde,

 me montrant l’arc-en-ciel des visages neufs de mes frères.

 

Laisser un commentaire