Léopold Sedar Senghor : Chant d’ombre

Quand Léopold Senghor arriva en France, ce fut un choc pour lui, le petit noir né à Joal

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En France 

Il apprit que son pays avait une  riche histoire

Il apprit les énormes méfaits des colons cachés par les pères de la mission,

Il rencontrait d’autres noirs venus d’autres horizons 

des étudiants  comme lui, Aimé Césaire , Léon Damas ,Etienne Lero …

et avec eux il lisait « la revue du monde noir » fondée par le docteur Sajou venu du Liberia  

puis la revue « légitime défense » lancée par Etienne Laro

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En France ,il fréquentait des blancs qui le respectait

et le côtoyait d’égal à égal   

des surréalistes et des artistes

Breton ou Picasso

A qui il dédia un poème « le masque nègre »

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C’était avant la guerre

vers 1932………..

C’est alors qu’il écrivit les chants d’ombre

En se souvenant de son pays

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Joal !


Je me rappelle les festins funèbres fumant du sang des troupeaux égorgés

Du bruit des querelles, des rhapsodies des griots.
Je me rappelle les voix païennes rythmant le Tantum Ergo
Et les processions et les palmes et les arcs de triomphe.
 

Je me rappelle la danse des filles nubiles
…Je me rappelle, je me rappelle…
Ma tête rythmant
Quelle marche lasse le long des jours d´Europe où parfois
Apparaît un jazz orphelin qui sanglote, sanglote, sanglote.

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Oui !il aimait son pays

sa culture

ses coutumes

ses masques

ce pays tant méprisé  par les colons

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Ce pays méconnu par les  européens

mêmes cultivés

C’est le moment de raconter son histoire

le temps de la renaissance

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Prière aux masques

Masques! Ô Masques!
Masques noirs masques rouges, vous masques blanc-et-noir
A votre image, écoutez-moi!

Voici que meurt l’Afrique des empires – c’est l’agonie d’une princesse pitoyable
Et aussi l’Europe à qui nous sommes liés par le nombril.
…Fixez vos yeux immuables sur vos enfants que l’on commande

Que nous répondions présents à la renaissance du Monde
Ainsi le levain qui est nécessaire à la farine blanche.
Car qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons?
Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphelins à l’aurore?
Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l’homme aux espoirs éventrés?
Ils nous disent les hommes du coton du café de l’huile
Ils nous disent les hommes de la mort.
Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds
reprennent vigueur en frappant le sol dur.

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Neige sur Paris

Oui ! La France c’est bien

Senghor pardonne ,il oublie le passé 

L’esclavage, l’exploitation  

Et pourtant quelle froideur !

Le jour de noél ,Senghor se souvient

Seigneur, vous avez visité Paris par ce jour de votre naissance
…Seigneur, j’ai accepté votre froid blanc qui brûle plus que le sel.
Voici que mon cœur fond comme neige sous le soleil.
J’oublie

Les mains blanches qui tirèrent les coups de fusils qui croulèrent les empires

Les mains qui flagellèrent les esclaves qui vous flagellèrent
Les mains blanches poudreuses qui vous giflèrent,

 les mains peintes poudrées qui m’ont giflé
Les mains sûres qui m’ont livré à la solitude à la haine
Les mains blanches qui abattirent la forêt de rôniers qui dominait l’Afrique,
au centre de l’Afrique

 

Elles abattirent la forêt noire pour en faire des traverses de chemin de fer
Elles abattirent les forêts d’Afrique pour sauver la Civilisation, parce qu’on manquait de matière première humaine.

Seigneur, je ne sortirai pas ma réserve de haine,

 je le sais, pour les diplomates qui montrent leurs canines longues Et qui demain troqueront la chair noire.

 

Mon cœur, Seigneur, s’est fondu comme neige sur les toits de Paris

Au soleil de votre douceur
Il est doux à mes ennemis,

 à mes frères aux mains blanches sans neige  

 

 

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