La lettre de Benoît XVI, pape émérite, sur les abus sexuels
Le 11 avril 2019 le pape émérite est sorti de sa reserve et a publié une lettre dans un journal allemand dont voici des extraits
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Un retour sur le passé
Entre 1960 et 1980 ,les films sexuels et pornographiques sont devenus courants, au point d’être projetés dans les cinémas des gares ….
L’effondrement considérable des vocations sacerdotales au cours de ces années-là et le nombre très élevé de prêtres réduits à l’état laïc étaient une conséquence de cette situation.
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Le 5 janvier 1989, la « Déclaration de Cologne », signée par quinze professeurs de théologie catholiques, a été publiée. Cette déclaration s’est concentrée sur plusieurs points critiques de la relation entre le magistère épiscopal et le travail théologique.
Le pape Jean Paul II, qui connaissait très bien la situation de la théologie morale et la suivait de près, a commandé une encyclique pour remettre les choses dans l’ordre. Ce travail a été publié sous le titre Veritatis splendor, le 6 août 1993, et a provoqué de vives réactions de la part de théologiens moraux.
Tout cela montre à quel point l’autorité de l’Église dans le domaine moral est fondamentalement remise en cause.
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Les Ecritures
la particularité de l’enseignement moral des Saintes Écritures repose en définitive dans son attachement à l’image de Dieu, dans la foi en l’unique Dieu qui s’est manifesté en Jésus-Christ et qui a vécu en tant qu’homme.
Le Décalogue est une application à la vie humaine de la foi biblique en Dieu.
L’image de Dieu et la morale vont de pair, et entraînent ainsi un changement particulier de l’attitude chrétienne envers le monde et la vie humaine. Le christianisme a été décrit dès l’origine par le mot grec hodós (« la route », souvent utilisé dans le Nouveau Testament pour indiquer un chemin de progrès).
II
Les séminaires
Dans divers séminaires, des clubs homosexuels ont été mis en place, qui ont agi plus ou moins ouvertement et qui ont considérablement modifié le climat dans les séminaires.
Dans un séminaire situé dans le sud de l’Allemagne,..les séminaristes partageaient les repas communs avec des partenaires pastoraux mariés, eux-mêmes parfois accompagnés de leurs épouses et de leurs enfants, et dans certains cas, de leurs petites amies.
Le climat dans le séminaire n’aidait pas à préparer les vocations sacerdotales. Le Saint-Siège était au courant de ces problèmes sans en être informé dans le détail. Dans un premier temps, une visite apostolique a été organisée dans les séminaires aux États-Unis.
En effet, dans de nombreuses parties de l’Église, l’attitude conciliaire était comprise comme une attitude critique ou négative à l’égard de la tradition jusqu’alors en vigueur, qui devait maintenant être remplacée par une nouvelle relation radicalement ouverte avec le monde
. Un évêque, qui avait précédemment été recteur d’un séminaire, avait montré des films pornographiques aux séminaristes avec l’objectif présumé de les rendre résistants à des comportements contraires à la foi.
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La pédophilie
Si je me souviens bien, le problème de la pédophilie n’est devenu un sujet d’actualité que dans la seconde moitié des années 80. Aux États-Unis, la pédophilie était déjà un problème public. Alors, les évêques ont demandé de l’aide à Rome, car le droit canonique, tel qu’il est écrit dans le Code de 1983, ne semblait pas suffisant pour prendre les mesures nécessaires.
.Défense de l’accusé et défense de la foi .
Un droit canonique équilibré, qui correspond au message de Jésus dans son intégralité, ne doit donc pas seulement fournir une garantie à l’accusé, dont le respect est un bien juridique.
Il doit également protéger la Foi, qui est également un atout juridique important….Un droit canon construit correctement doit donc comporter une double garantie : la protection juridique de l’accusé, et la protection juridique du bien en cause
Dans la conscience juridique commune, la foi ne semble plus avoir le rang d’un bien à protéger. C’est une situation préoccupante à laquelle les pasteurs de l’Église doivent réfléchir et réfléchir sérieusement.
j’ai convenu avec le pape Jean Paul II qu’il était approprié d’attribuer la compétence pour ces infractions à la Congrégation pour la doctrine de la foi, sous le titre Delicta maiora contra fidem.
Il est important de garder à l’esprit qu’une telle inconduite de la part des clercs corrompt la foi….Ce n’est que lorsque la foi ne détermine plus les actes de l’homme que de tels crimes sont possibles.
Cependant, la sévérité de la peine suppose également une preuve claire du crime commis :
En d’autres termes, afin d’imposer légalement la peine maximale, un véritable processus pénal est nécessaire. Mais les diocèses et le Saint-Siège ont été submergés par une telle exigence. et puisque tout cela dépassait les capacités de la Congrégation pour la doctrine de la Foi et que des retards devaient être évités en raison de la nature du problème, le pape François a entrepris d’autres réformes.
III
Le refus de Dieu
La puissance du mal naît de notre refus d’aimer Dieu. Celui qui met sa foi dans l’amour de Dieu est racheté. Apprendre à aimer Dieu est donc la voie de la rédemption pour l’humanité.
Un monde sans Dieu ne peut être qu’un monde dépourvu de sens... Il n’y a alors pas de notion de bien ou de mal. Celui qui est plus fort que l’autre s’impose.La vérité ne compte pas, elle n’existe d’ailleurs pas.
Une société sans Dieu — une société qui ne Le connaît pas et qui Le considère comme inexistant — est une société qui perd son équilibre…Notre époque a vu l’émergence de la formule coup de poing annonçant la mort de Dieu.
La mort de Dieu dans une société signifie aussi la mort de la liberté, parce que ce qui meurt, c’est le sens, qui donne son orientation à la société.Et parce que la boussole qui nous oriente dans la bonne direction en nous apprenant à distinguer le bien du mal disparaît.
Sur des points précis, il apparaît alors soudainement comme une évidence que certaines choses sont mauvaises et détruisent l’humain. C’est notamment le cas de la pédophilie.
Comment la pédophilie a-t-elle pu atteindre de telles proportions ? En fin de compte, la raison principale réside dans l’absence de Dieu. Nous aussi, chrétiens et prêtres, préférons ne pas parler de Dieu, car ce discours apparaît comme inconfortable.
L’une des premières tâches qui doivent découler des bouleversements moraux que connaît notre époque, consiste à ce que nous nous remettions à vivre de Dieu et ancrés en Lui.
Le mystère de l’Église.
. La crise provoquée par les nombreux cas d’abus perpétrés par des prêtres force à regarder l’Église comme une entité qui a mal tourné, qu’il nous revient désormais de reprendre en main et de repenser. Mais une Église faite par nous ne peut être synonyme d’espoir.
Jésus lui-même a comparé l’Église à un filet de pêche contenant des poissons bons et mauvais, qui à la fin sont séparés par Dieu. Il y aussi la parabole où l’Église est un champ sur lequel pousse le bon grain que Dieu a lui-même semé, mais également l’ivraie qu’ »un ennemi » a semée en cachette. Effectivement, l’ivraie est particulièrement visible dans le champ de Dieu, l’Église, et les mauvais poissons dans le filet montrent aussi leur force. Mais le champ reste le champ de Dieu, et le filet, le filet de Dieu. Le fait d’insister sur ces deux réalités ne constitue pas une fausse forme d’apologétique, mais un service nécessaire à la Vérité.
Aujourd’hui, l’accusation contre Dieu consiste principalement à dénigrer purement et simplement son Église dans le but de nous en éloigner. Non, l’Église n’est pas uniquement constituée, même actuellement, de mauvais poissons et d’ivraie. Aujourd’hui, l’Église de Dieu existe également, et c’est justement aujourd’hui qu’elle est l’instrument par lequel Dieu nous sauve.
Il est très important d’opposer aux mensonges et aux semi-vérités du diable l’entière vérité. Oui, il y a des péchés dans l’Église, et du mal. Mais même aujourd’hui, il y a la sainte Église, qui est indestructible. Aujourd’hui il y a de nombreuses personnes qui croient humblement, qui souffrent et qui aiment, à travers lesquelles se manifeste le vrai Dieu, le Dieu d’amour. Aujourd’hui aussi Dieu a ses témoins (« martyrs ») dans le monde. Il nous faut juste être attentifs pour les voir et les entendre.
Le mot « martyr » est tiré du droit procédural. Dans le procès contre le diable, Jésus est le premier et le véritable témoin pour Dieu, le premier martyr, à qui tant d’autres ont depuis emboîté le pas. L’Église d’aujourd’hui est plus que jamais une Église des martyrs, et ainsi un témoin du Dieu vivant. Si nous regardons et écoutons autour de nous avec un cœur attentif, nous trouverons des témoins partout aujourd’hui, particulièrement parmi les gens ordinaires, mais aussi dans les hauts rangs de l’Église, prêts à prendre position pour Dieu par leur vie et leurs souffrances.
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