Fratelli Tutti : Encyclique du pape François ; Un Monde fermé ( chapitre 1)
LES OMBRES D’UN MONDE FERMÉ
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Des rêves qui se brisent
10. Des décennies durant, le monde a semblé avoir tiré leçon de tant de guerres et d’échecs et s’orienter lentement vers de nouvelles formes d’intégration. À titre d’exemple, le rêve d’une Europe unie, capable de reconnaître ses racines communes et de se féliciter de la diversité qui l’habite, a progressé.
11. Mais l’histoire est en train de donner des signes de recul.
12. ‘‘S’ouvrir au monde’’ est une expression qui, de nos jours, est adoptée par l’économie et les finances. Elle se rapporte exclusivement à l’ouverture aux intérêts étrangers ou à la liberté des pouvoirs économiques d’investir sans entraves ni complications dans tous les pays. Les conflits locaux et le désintérêt pour le bien commun sont instrumentalisés par l’économie mondiale pour imposer un modèle culturel unique.
Cette culture fédère le monde mais divise les personnes et les nations, car « la société toujours plus mondialisée nous rapproche, mais elle ne nous rend pas frères »
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La fin de la conscience historique
13.. C’est dans ce sens qu’allait un conseil que j’ai donné aux jeunes : « Si quelqu’un vous fait une proposition et vous dit d’ignorer l’histoire, de ne pas reconnaître l’expérience des aînés, de mépriser le passé et de regarder seulement vers l’avenir qu’il vous propose, n’est-ce pas une manière facile de vous piéger avec sa proposition afin que vous fassiez seulement ce qu’il vous dit ?
Cette personne vous veut vides, déracinés, méfiants de tout, pour que vous ne fassiez confiance qu’à ses promesses et que vous vous soumettiez à ses projets.
C’est ainsi que fonctionnent les idéologies de toutes les couleurs qui détruisent (ou dé-construisent) tout ce qui est différent et qui, de cette manière, peuvent régner sans opposition. Pour cela elles ont besoin de jeunes qui méprisent l’histoire, qui rejettent la richesse spirituelle et humaine qui a été transmise au cours des générations, qui ignorent tout ce qui les a précédés ».
14. Ce sont les nouvelles formes de colonisation culturelle , Un moyen efficace de liquéfier la conscience historique, la pensée critique, la lutte pour la justice
à vider de sens ou à instrumentaliser les mots importants. Que signifient aujourd’hui des termes comme démocratie, liberté, justice, unité ? Ils ont été dénaturés et déformés pour servir à justifier n’importe quelle action.
Un projet pour tous
15. La meilleure façon de dominer et d’avancer sans restrictions, c’est de semer le désespoir et de susciter une méfiance constante,.
16. Un projet visant de grands objectifs pour le développement de toute l’humanité apparaît aujourd’hui comme un délire. Les distances entre nous augmentent, tout comme la marche, difficile et lente vers un monde uni et plus juste, subit un recul nouveau et drastique.
17. Protéger le monde qui nous entoure et nous contient, c’est prendre soin de nous-mêmes.
. Bien souvent, les voix qui s’élèvent en faveur de la défense de l’environnement sont réduites au silence ou ridiculisées, tandis qu’est déguisé en rationalité ce qui ne représente que des intérêts particuliers.
18 La marginalisation mondiale
les personnes ne sont plus perçues comme une valeur fondamentale à respecter et à protéger, surtout celles qui sont pauvres ou avec un handicap, si elles “ne servent pas encore” – comme les enfants à naître –, ou “ne servent plus” – comme les personnes âgées.
. Nous ne nous rendons pas compte qu’isoler les personnes âgées,
, mutile et appauvrisse la famille elle-même. En outre, cela finit par priver les jeunes de ce contact nécessaire avec leurs racines
le racisme se cache et réapparaît sans cesse.
21 De nouvelles pauvretés apparaissent »
par exemple, ne pas avoir accès à l’énergie électrique n’était pas autrefois considéré comme un signe de pauvreté ni comme un motif d’anxiété. La pauvreté est toujours analysée et comprise dans le contexte des possibilités réelles d’un moment historique concret.
Des droits humains pas assez universels
22 Une partie de l’humanité vit dans l’opulence, une autre partie voit sa dignité méconnue, méprisée et ses droits fondamentaux ignorés ou violés
23 les femmes ont exactement la même dignité et les mêmes droits que les hommes
24., Ds millions de personnes – enfants, hommes et femmes de tout âge – sont privées de liberté et contraintes à vivre dans des conditions assimilables à celles de l’esclavage. […]
L’aberration n’a pas de limites quand des femmes sont malmenées, puis forcées à avorter ; l’abomination va jusqu’à la séquestration en vue du trafic d’organes
Conflit et peur
25. Les guerres, les violences, les persécutions pour des raisons raciales ou religieuses,
27. Paradoxalement, certaines peurs ancestrales n’ont pas été surmontées par le développement technologique ; au contraire, elles ont su se cacher et se renforcer derrière les nouvelles technologies.
28. La solitude, les peurs et l’insécurité de tant de personnes qui se sentent abandonnées par le système, créent un terrain fertile pour les groupes mafieux.
. Il existe une pédagogie typiquement mafieuse qui, avec une fausse mystique communautaire, crée des liens de dépendance et de subordination dont il est très difficile de se libérer.
Culture de la rencontre
30. L’isolement et le repli sur soi ou sur ses propres intérêts ne sont jamais la voie à suivre pour redonner l’espérance et opérer un renouvellement,mais
c’est la proximité,
c’est la culture de la rencontre.
Isolement non,…
proximité oui.
31 La technologie fait sans cesse des avancées, mais « comme ce serait merveilleux si la croissance de l’innovation scientifique et technologique créait plus d’égalité et de cohésion sociale
Comme ce serait merveilleux, alors qu’on découvre de nouvelles planètes, de redécouvrir les besoins de nos frères et sœurs qui tournent en orbite autour de nous ! »
La pandémie
33 le coup dur et inattendu de cette pandémie hors de contrôle a forcé à penser aux êtres humains,…. à tous,… plutôt qu’aux bénéfices de certains.
Nous nous sommes gavés de connexions et nous avons perdu le goût de la fraternité.
Nous avons cherché le résultat rapide et sûr, et nous nous retrouvons opprimés par l’impatience et l’anxiété. Prisonniers de la virtualité, nous avons perdu le goût et la saveur du réel ».
La douleur, l’incertitude, la peur et la conscience des limites de chacun, que la pandémie a suscitées, appellent à repenser nos modes de vie, nos relations, l’organisation de nos sociétés et surtout le sens de notre existence.
Après la crise sanitaire, la pire réaction serait de nous enfoncer davantage dans une fièvre consumériste et dans de nouvelles formes d’auto-préservation égoïste.
Plaise au ciel qu’en fin de compte il n’y ait pas ‘‘les autres’’, mais plutôt un ‘‘nous’’ !
Plaise au ciel que ce ne soit pas un autre épisode grave de l’histoire dont nous n’aurons pas su tirer leçon !
En outre, il ne faudrait pas naïvement ignorer que « l’obsession d’un style de vie consumériste ne pourra que provoquer violence et destruction réciproque ».
Le “sauve qui peut” deviendra vite “tous contre tous”, et ceci sera pire qu’une pandémie.
Les migrants
37. Aussi bien dans les milieux de certains régimes politiques populistes que sur la base d’approches économiques libérales, on soutient que l’arrivée des migrants doit être évitée à tout prix. Dans le même temps,
Beaucoup de personnes échappent à la guerre, aux persécutions, aux catastrophes naturelles. D’autres, à juste titre, « sont en quête d’opportunités pour [elles] et pour leur famille. [Elles] rêvent d’un avenir meilleur et désirent créer les conditions de sa réalisation
38. Malheureusement, d’autres « sont [attirées] par la culture occidentale, nourrissant parfois des attentes irréalistes qui les exposent à de lourdes déceptions.
Ceux qui émigrent « vivent une séparation avec leur environnement d’origine et connaissent souvent un déracinement culturel et religieux.
, il faut aussi « réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre ».
.40. « Les migrations constitueront un élément fondamental de l’avenir du monde ».
Mais, de nos jours, elles doivent compter avec la « perte du ‘‘sens de la responsabilité fraternelle’’, sur lequel est basé toute société civile ».
L’Europe, par exemple, risque fort d’emprunter ce chemin.
Le Monde Virtuel
42. Paradoxalement, alors que s’accroissent des attitudes de repli sur soi et d’intolérance qui nous amènent à nous fermer aux autres, les distances se raccourcissent
Tout devient une sorte de spectacle qui peut être espionné, surveillé et la vie est soumise à un contrôle constant. Dans la communication numérique, on veut tout montrer et chaque personne devient l’objet de regards qui fouinent, déshabillent et divulguent, souvent de manière anonyme. Le respect de l’autre a volé en éclats,
.
43. D’autre part, les manifestations de haine et de destruction dans le monde virtuel ne constituent pas – comme certains prétendent le faire croire – une forme louable d’entraide, mais de vraies associations contre un ennemi.
les médias numériques peuvent exposer au risque de dépendance, d’isolement et de perte progressive de contact avec la réalité concrète,
entravant ainsi le développement d’authentiques relations interpersonnelles ».
Des gestes physiques, des expressions du visage, des silences, le langage corporel, voire du parfum, le tremblement des mains, le rougissement, la transpiration sont nécessaires, car tout cela parle et fait partie de la communication humaine. Les relations virtuelles, , ne sont sociales qu’en apparence.
Elles ne construisent pas vraiment un ‘‘nous’’ mais d’ordinaire dissimulent et amplifient le même individualisme qui se manifeste dans la xénophobie et le mépris des faibles. La connexion numérique ne suffit pas pour construire des ponts, elle ne suffit pas pour unir l’humanité.
Agressivité sans pudeur
44 L’agressivité sociale trouve un espace d’amplification hors pair dans les appareils mobiles et les ordinateurs.
45.. Le fonctionnement de nombreuses plates-formes finit toujours par favoriser la rencontre entre les personnes qui pensent d’une même façon, empêchant de faire se confronter les différences. Ces circuits fermés facilitent la diffusion de fausses informations et de fausses nouvelles, fomentant les préjugés et la haine
46. Il faut reconnaître que les fanatismes qui conduisent à détruire les autres sont également le fait de personnes religieuses, sans exclure les chrétiens,
Information sans sagesse
47. La vraie sagesse suppose la conformité avec la réalité.
48. S’asseoir pour écouter une autre personne, est le geste caractéristique d’une rencontre humaine,
. Mais « le monde contemporain est en grande partie sourd. […]
Saint François d’Assise « a écouté la voix de Dieu, il a écouté la voix du pauvre, il a écouté la voix du malade, il a écouté la voix de la nature. Et il a transformé tout cela en un mode de vie. Je souhaite que la semence de saint François pousse dans beaucoup de cœurs
49. le silence et l’écoute disparaissent, transformant tout en clics ou en messages rapides et anxieux, c
50. Nous pouvons rechercher la vérité ensemble dans le dialogue, dans une conversation sereine ou dans une discussion passionnée. C’est un cheminement qui demande de la persévérance, qui est également fait de silences et de souffrances, capable de recueillir patiemment la longue expérience des individus et des peuples.
L’accumulation écrasante d’informations qui nous inondent n’est pas synonyme de plus de sagesse. La sagesse ne se forge pas avec des recherches anxieuses sur internet, ni avec une somme d’informations dont la véracité n’est pas assurée.
la vérité ne mûrit pas si on n’y prête pas une attention soutenue
Si on ne pénètre pas le cœur de la vie, on ne reconnaît pas ce qui est essentiel pour donner sens à l’existence.
Ainsi, la liberté devient une illusion qu’on nous vend et qui se confond avec la liberté de naviguer devant un écran. Le problème, c’est qu’un chemin de fraternité, local et universel, ne peut être parcouru que par des esprits libres et prêts pour de vraies rencontres.
Soumissions et autodépréciations
51. Certains pays économiquement prospères se présentent comme des modèles… à copier et à acheter au lieu de créer,
52. Détruire l’estime de soi chez quelqu’un est un moyen facile de le dominer
. Derrière ces tendances visant à uniformiser le monde, émergent des intérêts de pouvoir qui profitent d’une faible estime de soi chez les personnes, tout en essayant de créer une nouvelle culture à travers les médias et les réseaux, au service des plus puissants.
53. On oublie qu’« il n’y a pas pire aliénation que de faire l’expérience de ne pas avoir de racines, de n’appartenir à personne. Une terre sera féconde, un peuple portera des fruits et sera en mesure de générer l’avenir uniquement dans la mesure où il donne vie à des relations d’appartenance entre ses membres,
55. J’invite à l’espérance qui « nous parle d’une réalité qui est enracinée au plus profond de l’être humain, indépendamment des circonstances concrètes et des conditionnements historiques dans lesquels il vit.
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