Archive pour la catégorie 'Fanon'

Frantz Fanon : Les damnés de la terre et la violence

4 mai, 2019

Contre les colons une seule solution : La violence

 

Les colonisés  

p 41: « Les derniers seront les premiers. » La décolonisation est la vérification de cette phrase. C’est pourquoi, sur le plan de la description, toute décolonisation est une réussite.

Le monde colonisé est un monde coupé en deux. La ligne de partage, la frontière en est indiquée par les casernes et les postes de police.

 p45. Les coutumes du colonisé, ses traditions, ses mythes, surtout ses mythes, sont la marque même de cette indigence, de cette dépravation constitutionnelle. C’est pourquoi il faut mettre sur le même plan le DDT qui détruit les parasites, vecteurs de maladie, et la religion chrétienne qui combat dans l’œuf les hérésies, les instincts, le mal. Le recul de la fièvre jaune et les progrès de l’évangélisation font partie du même bilan…… Je parle de la religion chrétienne, et personne n’a le droit de s’en étonner. L’Église aux colonies est une Église de Blancs, une église d’étrangers. Elle n’appelle pas l’homme colonisé dans la voie de Dieu mais bien dans la voie du Blanc, dans la voie du maître, dans la voie de l’oppresseur. Et comme on le sait, dans cette histoire il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.

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 p 47  l’élite colonisée

la bourgeoisie colonialiste cherche avec fièvre des contacts avec les « élites ». C’est avec ces élites qu’est entrepris le fameux dialogue sur les valeurs. La bourgeoisie colonialiste, quand elle enregistre l’impossibilité pour elle de maintenir sa domination sur les pays coloniaux, décide de mener un combat d’arrière-garde sur le terrain de la culture, des valeurs, des techniques, etc. Or, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est que l’immense majorité des peuples colonisés est imperméable à ces problèmes.

 Pour le peuple colonisé la valeur la plus essentielle, parce que la plus concrète, c’est d’abord la terre : la terre qui doit assurer le pain et, bien sûr, la dignité. Mais cette dignité n’a rien à voir avec la dignité de la « personne humaine ». Cette personne humaine idéale, il n’en a jamais entendu parler. Ce que le colonisé a vu sur son sol, c’est qu’on pouvait impunément l’arrêter, le frapper, l’affamer 

 p 51 L’intellectuel se comporte objectivement, dans cette période, comme un vulgaire opportuniste

p 52. Le peuple, par contre, adopte dès le départ des positions globales. La terre et le pain : que faire pour avoir la terre et le pain ? Et cet aspect buté, apparemment limité, rétréci, du peuple, est en définitive le modèle opératoire le plus enrichissant et le plus efficace.

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Les danses du peuple

En attendant  la vraie violence ,le peuple se défoule en dansant  avec rage

 p 58  C’est pourquoi une étude du monde colonial doit obligatoirement s’attacher à la compréhension du phénomène de la danse et de la possession.

Le cercle de la danse est un cercle permissif. Il protège et autorise.

  À heures fixes, à dates fixes, hommes et femmes se retrouvent en un lieu donné et, sous l’œil grave de la tribu, se lancent dans une pantomime d’allure désordonnée mais en réalité très systématisée où, par des voies multiples, dénégations de la tête, courbure de la colonne, rejet en arrière de tout le corps, se déchiffre à livre ouvert l’effort grandiose d’une collectivité pour s’exorciser, s’affranchir, se dire. Tout est permis… dans le cercle.

…. Mises à mort symboliques, chevauchées figuratives, meurtres multiples imaginaires, il faut que tout cela sorte. Les mauvaises humeurs s’écoulent, bruyantes telles des coulées de lave.

 Après des années d’irréalisme, après s’être vautré dans les phantasmes les plus étonnants, le colonisé, sa mitraillette au poing, affronte enfin les seules forces qui lui contestaient son être : celles du colonialisme. Et le jeune colonisé qui grandit dans une atmosphère de fer et de feu peut bien se moquer

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Les politiques  

Eux ne veulent pas de violence !

Ils sont des privilégiés et veulent garder leurs avantages  

Ils discutent !

 p 61 les partis politiques et les élites intellectuelles ou commerciales. Or ce qui caractérise certaines formations politiques, c’est le fait qu’elles proclament des principes mais s’abstiennent de lancer des mots d’ordre

 Les partis politiques nationalistes n’insistent jamais sur la nécessité de l’épreuve de force, parce que leur objectif n’est pas précisément le renversement radical du système. Pacifistes, légalistes, en fait partisans de l’ordre… nouveau, ces formations politiques posent crûment à la bourgeoisie colonialiste la question qui leur est essentielle : « Donnez-nous plus de pouvoir. »

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La violence ?

p 72 Nous l’avons vu, c’est l’intuition qu’ont les masses colonisées que leur libération doit se faire, et ne peut se faire que par la force

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Frantz Fanon ; « les damnés de la terre » : lumpen-prolétariat

1 mai, 2019

 Contre les colons une seule solution : La violence

Les damnés

p 94  

 

Les masses luttent contre la même misère, se débattent avec les mêmes gestes et dessinent avec leurs estomacs rapetissés ce que l’on a pu appeler la géographie de la faim.

Monde sous-développé, monde de misère et inhumain.

Mais aussi monde sans médecins, sans ingénieurs, sans administrateurs.

 Face à ce monde, les nations européennes se vautrent dans l’opulence la plus ostentatoire. Cette opulence européenne est littéralement scandaleuse car elle a été bâtie sur le dos des esclaves, elle s’est nourrie du sang des esclaves, elle vient en droite ligne du sol et du sous-sol de ce monde sous-développé.

 Le bien-être et le progrès de l’Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela, nous décidons de ne plus l’oublier. Lorsqu’un pays colonialiste, gêné par les revendications à l’indépendance d’une colonie, proclame à l’intention des dirigeants nationalistes : « Si vous voulez l’indépendance, prenez-la et retournez au Moyen Âge », le peuple nouvellement indépendant a tendance à acquiescer et à relever le défi.

 

 p 95  Et l’on voit effectivement le colonialisme retirer ses capitaux et ses techniciens et mettre en place autour du jeune État un dispositif de pression économique .

 L’apothéose de l’indépendance se transforme en malédiction de l’indépendance. La puissance coloniale par des moyens énormes de coercition condamne à la régression la jeune nation. En clair, la puissance coloniale dit : « Puisque vous voulez l’indépendance, prenez-la et crevez. » Les dirigeants nationalistes n’ont alors d’autre ressource que de se tourner vers leur peuple

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Que faire ?

Les syndicalistes

 p 108. Le prolétariat embryonnaire des villes est relativement privilégié. Dans les pays capitalistes, le prolétariat n’a rien à perdre, il est celui qui, éventuellement, aurait tout à gagner. Dans les pays colonisés le prolétariat a tout à perdre. Il représente en effet la fraction du peuple colonisé nécessaire et irremplaçable pour la bonne marche de la machine coloniale : conducteurs de tramways, de taxis, mineurs, dockers, interprètes, infirmiers, etc. Ce sont ces éléments qui constituent la clientèle la plus fidèle des partis nationalistes et qui par la place privilégiée qu’ils occupent dans le système colonial constituent la

 

la jeune bourgeoise

p109  Les partis nationalistes, dans leur immense majorité, éprouvent une grande méfiance à l’égard des masses rurales. Ces masses leur donnent en effet l’impression de s’enliser dans l’inertie et dans l’infécondité. Assez rapidement les membres des partis nationalistes (ouvriers des villes et intellectuels) en arrivent à porter sur les campagnes le même jugement péjoratif que les colons.

 Mais si l’on tâche de comprendre les raisons de cette méfiance des partis politiques envers les masses rurales il faut retenir le fait que le colonialisme a souvent renforcé ou assis sa domination en organisant la pétrification des campagnes.

Encadrées par les marabouts, les sorciers et les chefs coutumiers, les masses rurales vivent encore au stade féodal, la toute-puissance de cette structure moyenâgeuse étant alimentée par les agents administratifs ou militaires colonialistes.

La jeune bourgeoisie nationale, commerçante surtout, va entrer en compétition avec ces seigneurs féodaux dans des secteurs multiples : marabouts et sorciers qui barrent la route aux malades qui pourraient consulter le médecin, djemaas qui jugent, rendant inutiles les avocats, caïds qui utilisent leur puissance politique et administrative pour lancer un commerce ou une ligne de transports, chefs coutumiers s’opposant au nom de la religion et de la tradition à l’introduction de négoces et de produits nouveaux.

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le : lumpen-prolétariat

littéralement « le peuple en haillon »

 p 111  Les paysans ont une méfiance à l’égard de l’homme de la ville. Habillé comme l’Européen, parlant sa langue, travaillant avec lui, habitant parfois dans son quartier, il est considéré par les paysans comme un transfuge qui a abandonné tout ce qui constitue le patrimoine national. Les gens des villes sont « des traîtres, des vendus » qui semblent faire bon ménage avec l’occupant et s’efforcent dans le cadre du système colonial de réussir

p 116 C’est l’une des raisons pour lesquelles on entend souvent dire que, dans les pays sous-développés, il faut une certaine dose de dictature. Les dirigeants se méfient des masses rurales.

 Ces masses sont rejoints par les vrais syndicalistes qui ont gardé leur ideal

et ceux-ci vont aider les paysans à lutter contre leur misère

 P 122 Les syndicats s’aperçoivent au lendemain de l’indépendance que les revendications sociales si elles étaient exprimées scandaliseraient le reste de la nation. Les ouvriers sont en effet les favorisés du régime. Ils représentent la fraction la plus aisée du peuple……. La machine du parti se montre rebelle à toute innovation. La minorité révolutionnaire se retrouve seule, face à une direction apeurée et angoissée à l’idée qu’elle pourrait être emportée dans une tourmente

 Ces hommes de la minorité sont arrivés aux sphères dirigeantes du parti par leur travail obstiné, l’esprit de sacrifice et un patriotisme exemplaire.

 Venus de la base, ce  sont souvent de petits manœuvres, des travailleurs saisonniers… Pour eux, militer dans un parti national, ce n’est pas faire de la politique, c’est choisir le seul moyen de passer de l’état animal à l’état humain.

 ….Ces hommes, que gêne le légalisme exacerbé du parti, vont révéler dans les limites des activités qui leur sont confiées un esprit d’initiative, un courage et un sens de la lutte qui presque mécaniquement les désignent aux forces de répression du colonialisme.

 Arrêtés, condamnés, torturés, amnistiés, ils utilisent la période de détention à confronter leurs idées et à durcir leur détermination. Dans les grèves de la faim, dans la solidarité violente des fosses communes des prisons, ils vivent leur libération comme une occasion qui leur sera donnée de déclencher la lutte armée.

On assiste donc à un écartèlement proche de la rupture entre la tendance illégaliste et la tendance légaliste du parti. Les illégaux se sentent indésirables. On les fuit.

Rejetés des villes, ces hommes se groupent, dans un premier temps, dans les banlieues périphériques. Mais le filet policier les y déniche et les contraint à quitter définitivement les villes, à fuir les lieux de la lutte politique. Ils se rejettent vers les campagnes, vers les montagnes, vers les masses paysannes.

 

p 123 Ces hommes prennent l’habitude de parler aux paysans. Ils découvrent que les masses rurales n’ont jamais cessé de poser le problème de leur libération en termes de violence, de terre à reprendre aux étrangers, de lutte nationale, d’insurrection armée. Tout est simple…. On comprend que la rencontre de ces militants traqués par la police et de ces masses piaffantes, et d’instinct rebelles puisse donner un mélange détonant d’une puissance inaccoutumée. Les hommes venus des villes se mettent à l’école du peuple et dans le même temps ouvrent, à l’intention du peuple, des cours de formation politique et militaire.

  . En fait l’insurrection, partie des campagnes, va pénétrer dans les villes par la fraction de la paysannerie bloquée à la périphérie urbaine, …C’est dans cette masse, c’est dans ce peuple des bidonvilles, au sein du lumpen-prolétariat que l’insurrection va trouver son fer de lance urbain.

 Le lumpen-prolétariat constitue l’une des forces le plus spontanément et le plus radicalement révolutionnaires d’un peuple colonisé.

 

 

Frantz Fanon : Peau noire ,masques blancs

30 avril, 2019

Ce livre est celui d’un homme profondément  bléssé. Fanon parle avec son cœur.Il parle comme un médecin qui veut guérir ses frères,  comme un psychanalyste  qui cherche la cause  du mal  être de toute une race

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Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. (Césaire, Discours sur le Colonialisme.)

Nous n’aurons aucune pitié pour les anciens gouverneurs, pour les anciens missionnaires. Pour nous, celui qui adore les nègres est aussi « malade » que celui qui les exècre. Inversement, le Noir qui veut blanchir sa race est aussi malheureux que celui qui prêche la haine du Blanc. p 26

Nous nous méfions de l’enthousiasme. Chaque fois qu’on l’a vu éclore quelque part, il annonçait le feu, la famine, la misère… Aussi, le mépris de l’homme. L’enthousiasme est par excellence l’arme des impuissants.

Je veux vraiment amener mon frère, Noir ou Blanc, à secouer le plus énergiquement la lamentable livrée édifiée par des siècles d’incompréhension.30

Que de blessures !

Que d’humiliations !

Que de mépris !

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Le langage

 « Les Noirs, je les connais ; il faut s’adresser à eux gentiment, leur parler de leur pays ; savoir leur parler, telle est la question. Voyez plutôt… » Nous n’exagérons pas : un Blanc s’adressant à un nègre se comporte exactement comme un adulte avec un gamin, et l’on s’en va minaudant, susurrant, bertillonnant, calinotant p 44

. Parler petit-nègre à un nègre, c’est le vexer, car il est celui-qui-parle-petit-nègre. Pourtant, nous dira-t-on, il n’y a pas intention, volonté de vexer. Nous l’accordons, mais c’est justement cette absence de volonté, cette désinvolture, cette nonchalance, cette facilité avec laquelle on le fixe, avec laquelle on l’emprisonne, on le primitivise, l’anticivilise, qui est vexante. p 45

Oui, au Noir on demande d’être bon négro ; ceci posé, le reste vient tout seul. Le faire parler petit-nègre, c’est l’attacher à son image, l’engluer, l’emprisonner, victime éternelle d’une essence, d’un apparaître dont il n’est pas le responsable conclusion du livre de fanon 47

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 La femme de couleur et le blanc

 Frantz Fanon analyse le livre « Je suis Martiniquaise » de Mayotte Capécia

pour qui le blanc  est ce qu’il ya de plus beau

la femme de couleur rêve ;Elle  veut devenir  blanche

Je suis Blanc, c’est-à-dire que j’ai pour moi la beauté et la vertu, qui n’ont jamais été noires. Je suis de la couleur du jour…

Fanon répond

« Je suis Noir, je réalise une fusion totale avec le monde, une compréhension sympathique de la terre, une perte de mon moi au cœur du cosmos, et le Blanc, quelque intelligent qu’il soit, ne saurait comprendre Armstrong et les chants du Congo. Si je suis Noir, ce n’est pas à la suite d’une malédiction, mais c’est parce que, ayant tendu ma peau, j’ai pu capter tous les effluves cosmiques. Je suis véritablement une goutte de soleil sous la terre  p56

la femme noire insiste  

Non, vraiment, le Dieu bon et miséricordieux ne peut pas être noir, c’est un Blanc qui a des joues bien roses. Du noir au blanc, telle est la ligne de mutation. On est blanc comme on est riche, comme on est beau, comme on est intelligentp 61

des femmes  veulent un homme blanc et tout blanc

Du jour au lendemain, la mulâtresse passait du rang des esclaves à celui des maîtres…

Elle était reconnue dans son comportement sur-compensateur. Elle n’était plus celle qui avait voulu être blanche, elle était blanche. Elle entrait dans le monde blanc. p67

C’est parce que la négresse se sent inférieure qu’elle aspire à se faire admettre dans le monde blanc p.68

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L’homme de couleur et la blanche  

.Puis Fanon analyse le roman de René Maran, –« un homme pareil aux autres «  qui est sans doute une  autobiographie,

l’homme dit

Je ne veux pas être reconnu comme Noir, mais comme Blanc….Qui peut le faire, sinon la Blanche ? En m’aimant, elle me prouve que je suis digne d’un amour blanc. On m’aime comme un Blanc…Je suis un Blanc.

J’épouse la culture blanche, la beauté blanche, la blancheur blanche. p 72

  et Fanon répond

En aucune façon ma couleur ne doit être ressentie comme une tare. À partir du moment où le nègre accepte le clivage imposé par l’Européen, il n’a plus de répit et, « dès lors, n’est-il pas compréhensible qu’il essaie de s’élever jusqu’au Blanc ? S’élever dans la gamme des couleurs auxquelles il assigne une sorte de hiérarchie  ? »p 87

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Les noirs ont-ils donc un complexe d’infériorité ?

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Frantz Fanon : Le prétendu complexe du colonisé

29 avril, 2019

Frantz Fanon  dan son livre  « peau noire et masque blanc » critique le  livre « Psychologie de la colonisation »  de Mannoni

Mannino déclare en effet que les africains  sont génétiquement  complexés et qu’ils attendaient un sauveur pour les aider

« Tous les peuples ne sont pas aptes à être colonisés, seuls le sont ceux qui possèdent ce besoin. » Et, plus loin : « Presque partout où les Européens ont fondé des colonies du type qui est actuellement « en question », on peut dire qu’ils étaient attendus, et même désirés dans l’inconscient de leurs sujets. Des légendes, partout, les préfiguraient sous la forme d’étrangers venus de la mer et destinés à apporter des bienfaits  (p 99)

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En fait les colonisateurs sont des racistes 

Ayons le courage de le dire :

c’est le raciste qui crée l’infériorisé p 95

 Y compris les français si gentils avec les petits nêgres

Il les ont tellement humilié qu’ils en ont fait des névrosés

  je commence à souffrir de ne pas être un Blanc dans la mesure où l’homme blanc m’impose une discrimination, fait de moi un colonisé, m’extorque toute valeur, toute originalité, me dit que je parasite le monde, qu’il faut que je me mette le plus rapidement possible au pas du monde blanc, « que je suis une bête brute, que mon peuple et moi sommes comme un fumier ambulant hideusement prometteur de canne tendre et de coton soyeux, que je n’ai rien à faire au monde  ». Alors j’essaierai tout simplement de me faire blanc, c’est-à-dire j’obligerai le Blanc à reconnaître mon humanité. p 99

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l’expérience vécue du noir

Il nous fut donné d’affronter le regard blanc. p109

« Tiens, un nègre ! …... Maman, un nègre !… Chut ! Il va se fâcher… Ne faites pas attention, monsieur, il ne sait pas que vous êtes aussi civilisé que nous... p111

 — Regarde, il est beau, ce nègre…

— Le beau nègre vous emmerde, madame ! p112

 

Ya bon banania !

le linge du nègre sent le nègre — les dents du nègre sont blanches — les pieds du nègre sont grands — la large poitrine du nègre,

La honte. La honte et le mépris de moi-même. La nausée. Quand on m’aime, on me dit que c’est malgré ma couleur. Quand on me déteste, on ajoute que ce n’est pas à cause de ma couleur 

 Je ne suis pas l’esclave de « l’idée » que les autres ont de moi, mais de mon apparaître.

Les nègres sont des sauvages, des abrutis, des analphabètes.

ou . « Nous avons un professeur d’histoire sénégalais. Il est très intelligent… Notre médecin est un Noir. Il est très doux. » p 114

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Le sexe du noir

Fanon parle aussi des  phantasmes des blancs

a propos du sexe des noirs

C’est du délire !

Toute acquisition intellectuelle réclame une perte du potentiel sexuel. Le Blanc civilisé garde la nostalgie irrationnelle d’époques extraordinaires de licence sexuelle, de scènes orgiaques, de viols non sanctionnés, d’incestes non réprimés.

… Le penseur de Rodin en érection, voilà une image qui choque. On ne peut décemment pas « faire le dur » partout. Le nègre représente le danger biologique.

le nègre n’est que biologique. Ce sont des bêtes. Ils vivent nus.

Qui dit viol dit négre  p 154

Nègre = biologique, sexe, fort, sportif, puissant, boxeur, Joe Louis, Jess Owen, tirailleurs sénégalais, sauvage, animal, diable, péché.

  Pour la majorité des Blancs, le Noir représente l’instinct sexuel . Le nègre incarne la puissance génitale au-dessus des morales et des interdictions. Les Blanches, elles, par une véritable induction, aperçoivent régulièrement le nègre à la porte impalpable qui donne sur le royaume des Sabbats, des Bacchanales, des sensations sexuelles hallucinantes. p163..

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C’est alors que Fanon cite  Césaire et Senghor 

et retrouve sa fierté d’être noir

L’émotion est nègre comme la raison hellène 

Et voici le nègre réhabilité, « debout à la barre », gouvernant le monde de son intuition, le nègre retrouvé, ramassé, revendiqué, assumé, et c’est un nègre, non pas, ce n’est point un nègre, mais le nègre, alertant les antennes fécondes du monde, planté dans l’avant-scène du monde, aspergeant le monde de sa puissance poétique  p123

oui mais !

Sartre, pourtant bien aimé par Fanon, sème le doute

Dans son Orphée noir  Sartre écrit  

 la Négritude est pour se détruire, elle est passage et non un aboutissement, moyen et non fin dernière ». p128

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Que faire ?

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Frantz Fanon . Conclusion du livre « Peau noire ,masque blancs »

28 avril, 2019

Que le noir arrête de ruminer  le passé mais qu’il vive dans  le présent en égalité  avec  l’homme blanc

 Le Noir veut être comme le Blanc. Pour le Noir, il n’y a qu’un destin. Et il est blanc. Il y a de cela longtemps, le Noir a admis la supériorité indiscutable du Blanc, et tous ses efforts tendent à réaliser une existence blanche.

N’ai-je donc pas sur cette terre autre chose à faire qu’à venger les Noirs du XVIIe siècle ?

…Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de rechercher en quoi ma race est supérieure ou inférieure à une autre race.

…Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race.

…Je n’ai ni le droit ni le devoir d’exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués.

Il n’y a pas de mission nègre ; il n’y a pas de fardeau blanc.

..Non, je n’ai pas le droit de venir et de crier ma haine au Blanc. Je n’ai pas le devoir de murmurer ma reconnaissance au Blanc.

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Si le Blanc me conteste mon humanité, je lui montrerai, en faisant peser sur sa vie tout mon poids d’homme, [206] que je ne suis pas ce « Y a bon banania » qu’il persiste à imaginer.

…Je me découvre un jour dans le monde et je me reconnais un seul droit : celui d’exiger de l’autre un comportement humain.

…Il n’y a pas de monde blanc…Il y a de part et d’autre du monde des hommes qui cherchent.

Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée.

…Vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du xviie siècle ?

Je n’ai pas le droit de me laisser engluer par les déterminations du passé.

Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères.

 Et c’est en dépassant la donnée historique, instrumentale, que j’introduis le cycle de ma liberté.

Le malheur de l’homme de couleur est d’avoir été esclavagiste.

Le malheur et l’inhumanité du Blanc sont d’avoir tué l’homme quelque part.

 

Moi, l’homme de couleur, je ne veux qu’une chose :

Que jamais l’instrument ne domine l’homme.

 Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme.

C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve.

 

Le nègre n’est pas. Pas plus que le Blanc.

Tous deux ont à s’écarter des voix inhumaines qui furent celles de leurs ancêtres respectifs afin que naisse une authentique communication.

 Supériorité ? Infériorité ?

Pourquoi tout simplement ne pas essayer de toucher l’autre, de sentir l’autre, de me révéler l’autre ?

Ma liberté ne m’est-elle donc pas donnée pour édifier le monde du Toi ?

À la fin de cet ouvrage, nous aimerions que l’on sente comme nous la dimension ouverte de toute conscience.

Mon ultime prière :

O mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge !  (p201ss)