Achille Mbembe : L’ exil
31 décembre, 2018A la fin de ses études au cameroun ,Achille Mbemebe rédigea un mémoire sur Um Nyobe , un résistant qui avait été tué par les colons mais qui par la suite avait été volontairement « oublié » par les nouveaux responsables du pays,
Ceux ci le harcelèrent et Achille Mbembe a dû fuir et partir en exil
En 1993 ,il raconte dans le numéro 51 de » la revue « politique africaine « quel fut alors son désarroi
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Oh irais-je ? On me dit, non sans raison : dans cette contrée d’Afrique appelée, récemment, le « Cameroun ». Mais, qu’est ce que le « Cameroun » , le « Gabon », la « Guinée », le « « Congo « « , le Ghana,, le « Kenya » ou la « Côte-d’Ivoire » »), sinon des conséquences obscures de l’imbécillité conjuguée des Blancs et des Nègres ? (p 84)
Qu’est-ce donc que le « Cameroun « cette contrée d‘où je viens et qui ne m’indiffère point – sinon une lourde figure d‘os,…, pendant que 1’ « autorité » ou ce qui en tient lieu arrache leur gagne-pain aux bouchers et à la foule des vendeurs à la criée, ferme les journaux et persécute les écrivains, bloque la circulation, abat un chauffeur de taxi et tue un proche parent, saisit les biens meubles et incendie les marchés, casse les machines et altère les monnaies, écrase les gens d’impôts, ’extorque leurs biens et les force à accepter ce qui est mauvais et douloureux alors même que c’est évitable,les empêche de gagner leur vie licitement, de s’assurer le pain journalier par des moyens honnêtes, de se protéger contre les abus de la vie, les laisse moisir dans les cachots, leur défonce et leur vide les reins, leur écrase les testicules, leur tord joyeusement le pénis, la bouche gonflée de vent, et la chair ivre de corruption ? (p86)
Ne demandez pas à moi – ou à Mudimbe, ou à Appiah, ou à qui que ce soit d’autre pour la circonstance, Mongo Beti, Ngugi w’a Thiongo et les autres Pourquoi nous partons….car je suis parti en ’France en 1984 (p 87)
La France
Dès mon arrivée en France, j’avais collaboré,, à l’hebdomadaire de la gauche catholique, Témoignage chrétien. J’avais aussi, presque aussitôt, publié dans Le Monde diplomatique.
…je m’intéressais sérieusement, plus tard, aux travaux de deux Africains, V.Y. Mudimbe et Mamadou Diouf, tous les deux engagés, chacun à sa façon, dans un « monologue » sur l’Afrique et son séjour dans la nuit du monde, (p 92)
…et à sauver Um Nyobe de l’oubli, à le ramener à la vie, à le « ressusciter » (p93)
Les Etats Unis
Puis je suis parti aux Etat Unis…
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Nyobe encore !
un jour de février, c’était en 1991, on m’a demandé de présenter mes travaux à l’université de Pennsylvanie à Philadelphie. Ce soir-là, je me suis efforcé, pour la première fois en public, de rendre lisible la mort de Um, et d’interpréter cet objet historiographique comme lieu où le pouvoir colonial et sa négation par l’indigène placèrent, tous les deux, leurs langages. J’ai raconté comment la mort de Um et l’apparent silence qui le frappèrent étaient un lieu d’excès, dans le double sens où le colonialisme venait s’y évanouir, en dépit de sa victoire formelle; et où, par sa médiation, 1’État postcolonial venait brimer quelqu’un qui ne pouvait plus être là pour dire : « Je suis mort ».
La nuit
c’est la nuit-du-monde-africain-postcolonial. C’est elle qui nous condamne à nous brouiller avec tout le monde, notre famille notre pays, notre société, notre culture, ses élites, sa piétaille, nous-mêmes. C’est elle qui nous oblige à abandonner le village à l’ombre duquel nous avons grandi, avec ses gens, ses tombes, ses histoires, les cousins, la Vierge, le crucifix et tout le reste. C’est elle qui nous oblige à partir du village à l’ombre duquel nous avons grandi, avec ses gens, ses tombes, ses histoires, les cousins, la Vierge, le crucifix, et tout le reste. C’est elle qui nous force à « partir , loin, très loin, au-delà des mers et des océans, pour enfin pouvoir raconter, dans nos propres mots, l’histoire d’un mort, ( p 96)
I1 m’arrive alors, en ces moments d’incertitude, d‘écouter le chant qui sourd de l’Afrique, l’immense envie de vivre, de ne pas périr que charrie la musique, le corps qui danse et qui rentre en transe, le masque qui se déploie dans la répétition, le tragi-poétique du quotidien, ses ratés, sa prolixité, sa descente dans l’hilarité,… (p 97).
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La déception
Quel dégoût
à en vomir
en lisant tous les fantasmes,et les horreurs racontés par les historiens ,les philosophes ,,les anthropologues, les psychologues … sur la culture des africains
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Afrique du sud
Achille Mbembe continue son récit
en 2010 dans son livre « Sortir de la grande nuit »
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