Dans son traité sur l’évangile de Luc (Luc 24,1_12)
Ambroise s’étonne en lisant le verset suivant
. « Le matin du sabbat les femmes vinrent de très bonne heure au tombeau. » (Luc 24,1)
Il raisonne vraiment comme un exégète tout à fait moderne
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Ambroise écrit :
Ce texte fait naître chez plusieurs une grande incertitude :
car si nous ne voyons pas que les évangélistes se soient contredits,
ils ont pourtant parlé diversement.
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Luc dit que les femmes sont venus au tombeau
« le matin, de très bonne heure »,
Marc : « De grand matin »,
Matthieu : « Le soir du sabbat »,
Jean : « Le lendemain du sabbat, quand il faisait encore nuit »,
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Puis Luc mentionne que l’on a vu deux hommes,
Marc un jeune homme assis, vêtu de blanc,
Matthieu un ange,
Jean deux anges assis, en vêtements blancs.
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Enfin, Jean écrit qu’il fut dit à Marie Madeleine :
« Ne me touche pas,
Et Matthieu a écrit que le Seigneur s’est présenté à Marie Madeleine et à une autre Marie, qui se sont approchés et lui prirent les pieds et l’adorèrent.
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Les unes viennent avec des parfums le lendemain du sabbat,
les autres, sans parfums, le soir du sabbat
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Quelle est donc la solution ?
Ne serait-ce pas de penser que les quatre évangélistes ont parlé de quatre moments divers,
et de supposer divers personnages féminins et des apparitions diverses ?
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Une Marie Madeleine ne sait pas, selon Jean ;
une autre Marie Madeleine sait, selon Matthieu ;
car la même n’a pu savoir, puis ne pas savoir.
Donc s’il y a plusieurs Marie,
il peut y avoir aussi plusieurs Madeleine :
le premier nom est personnel, le second de localité .
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D’ailleurs apprenez qu’il s’agit d’une autre :
l’une est admise à tenir les pieds du Seigneur,
l’autre a défense de toucher le Seigneur ;
l’une a mérité de voir l’ange,
l’autre, venue en premier lieu, n’a vu personne :
l’une a annoncé aux disciples que le Seigneur était ressuscité,
l’autre leur apprend qu’on l’a enlevé ….
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Ne me touches pas
Ce n’est point en effet par un contact du corps, mais par la foi, que nous touchons le Christ.
« Car, dit-Il, je ne suis pas encore monté vers mon Père »
Ainsi Marie, qui cherchait Jésus sur terre, n’a pu le toucher.
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« Qui cherches-tu ? »
Ce n’est pas le Christ qu’elle cherche, puisqu’elle le croit enlevé.
Le Christ est là, à quoi bon le chercher ?
C’est le méconnaître que le chercher, que ne pas le reconnaître quand on le voit.
Aussi bien elle voyait le Christ et le prenait pour un jardinier.
Jésus dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? »
Car ce ne sont pas des larmes que Dieu réclame, mais la foi ;
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Il lui est donc interdit de le toucher, parce qu’elle n’avait pas encore appris avec Paul que la plénitude de la divinité habite dans le corps du Christ ;
elle n’avait pas encore dépouillé l’incertitude du siècle, les doutes de la chair ;
elle n’avait pas encore vécu la vie du Christ
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L’autre Marie
Aussi bien elle n’adore pas le Seigneur et ne lui prend pas les pieds, comme l’autre Marie :
chez cette dernière, ce n’est pas tant l’hommage corporel
que le mouvement d’une foi plénière qui se traduit :
elle croit le Christ homme et Dieu tout ensemble ;
car c’est Dieu qu’on adore,
l’homme que l’on étreint.
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Une nouvelle Eve
Au début la femme fut l’instigatrice du péché pour l’homme,
A présent celle qui avait goûté la première à la mort a vu la première la résurrection.
Elle compense le désastre de l’antique déchéance par l’annonce de la résurrection.
Les lèvres de la femme avaient autrefois donné passage à la mort ;
les lèvres d’une femme rendent la vie.