C’est avec des accents de tendresse et une profonde dévotion
que Saint Ambroise commente
dans son traité sur l’évangile de Luc (tome 2)
l’agonie de Jésus et le reniement de pierre (Luc, XXII, 39-53).
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« Père, s’il est possible, éloignez de moi ce calice. »
Nulle part je n’admire davantage sa tendresse et sa majesté :
C’est donc pour moi qu’il s’est affligé,
n’ayant pour Lui nul sujet d’affliction ;
Il a pris ma tristesse, pour me prodiguer sa joie ;
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C’est qu’il n’a pas pris de l’incarnation l’apparence, mais la réalité ;
« Homme de douleurs, est-il dit, et sachant porter les souffrances » (Is., LIII, 3
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« Mon âme est triste »,
triste Il paraissait, et triste Il était,
non de sa souffrance, mais de notre dispersion ;
triste de nous laisser si petits.
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Par ailleurs l’Écriture nous dit avec quel courage iI s’offre à la mort,
allant au-devant de ceux qui le cherchent,
raffermissant les troublés, excitant les tremblants,
daignant accepter le baiser du traître.
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L’oreille de Malchus
Pierre coupe l’oreille à celui qui écoute mal ;
Car c’est lui qui a reçu les clefs du Royaume des cieux.
Il condamne, comme il absout,
parce qu’il a reçu le pouvoir de lier comme celui de délier.
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Le Seigneur, qui est bon, a remis l’oreille pour montrer,
selon la parole du Prophète (Is,, VI, 10), que la guérison est possible, pour ceux qui se convertissent
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Ils l’enchainèrent
C’est l’enchaîner que voir dans le Christ uniquement un homme ;
c’est l’enchaîner que ne pas croire à sa prescience,
que ne pas reconnaître sa toute-puissance.
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Pierre suivait de loin.(Luc, 22, 54-62)
Il est bien vrai qu’il le suivait de loin, étant déjà si près de le renier :
car il n’aurait pu le renier s’il s’était attaché étroitement au Christ.
Mais peut-être devons-nous avoir pour lui la plus grande admiration,
du fait même qu’il n’a pas abandonné son Seigneur, tout en ayant peur :
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La crainte est naturelle,
craindre n’est pas son fait, ne pas s’enfuir est bien de lui.
Il suit : c’est dévouement;
il renie, c’est surprise.
Sa chute est le sort commun ;
son repentir vient de sa foi.
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Il y avait chez le prince des prêtres un feu allumé :
Pierre approcha pour se chauffer, parce que, le Seigneur étant prisonnier,
la chaleur de l’âme s’était aussi refroidie en lui.
C’est une servante qui le dénonce
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C’est un malheur qu’Eve ait persuadé Adam,
un malheur qu’une femme ait introduit Pierre.
Mais ce fut une femme qui fut la première dépositaire du mystère de la Ré-surrection
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Pierre renie.
Il avait considéré son dévouement, il n’avait pas pris garde à sa condition ;
il a été puni pour avoir dit qu’il donnerait sa vie,
ce qui n’appartient pas à la faiblesse humaine, mais à la puissance divine .
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Considérons encore en quel état il renie : « Il faisait froid. »
Etant donnée la saison, il ne pouvait faire froid ;
mais il faisait froid en ce lieu où Jésus n’était pas reconnu,
Il faisait donc froid pour l’âme, non pour le corps ;
aussi bien Pierre se tenait près des charbons, parce qu’il avait le coeur transi.
Mauvais feu des Juifs ! Il brûle, il ne chauffe pas.
Mauvais foyer, qui répand la suie de l’erreur jusque sur l’âme des saints !
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il a pleuré.
Parce qu’il a péché par surprise.
Pierre a souffert et pleuré, parce qu’il a erré comme un homme.
Je lis qu’il a pleuré, je ne lis pas qu’il ait fait des excuses ;
mais ce qui ne peut se défendre peut se laver ;
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C’est aux larmes de laver le manquement qu’on rougit d’avouer de vive voix.
Les pleurs pourvoient au pardon, et à la honte.
Les larmes disent la faute sans trembler ;
les larmes avouent le crime sans gêne pour la pudeur ;
les larmes ne demandent pas le pardon, et l’obtiennent.
Pierre a gardé le silence pour ne pas ajouter à l’offense en demandant si vite son pardon ;
il faut pleurer d’abord, et alors prier.
Bonnes larmes, qui lavent la faute !
Aussi bien ceux-là pleurent que Jésus regarde.
Pierre a renié une première fois et n’a pas pleuré, parce que le Seigneur ne l’avait pas regardé.
Il a renié une seconde fois, il n’a pas pleuré, parce que le Seigneur ne l’avait pas encore regardé.
Il a renié une troisième fois ; Jésus l’a regardé, et il a pleuré bien amèrement.